uivant son cours, la Loire n’est certes pas épargnée par le climat pesant sur la filière des vins français, qu’il s’agisse du tumultueux millésime 2024 (filage, mildiou, maturité languissante et acidité affirmée…) ou de la morosité des marchés (tendant collectivement des trésoreries pouvant individuellement être à bout), mais dans l’ensemble sa santé et son moral n’ont rien à voir avec la détresse qui fait sombrer des pans entiers du vignoble français (où la misère demeure insoutenable). Touché, mais pas coulé : ce n’est pas l’amer à Loire. Même s'il existe des signaux localement inquiétants, nécessitant l'attention des pouvoirs publics pour que les trésoreries tiennent alors que beaucoup d'hectares sont déficitaires agronomiquement et économiquement. S'il y a des déficits de raisin, il y a des raisons d'espérer.
N’ayant pas mis tous ses œufs dans le même panier, le vignoble ligérien tient d’abord sa force de la diversité de son offre : toutes les couleurs et sucrosités, avec ou sans bulles, avec des degrés alcooliques modérés, avec un fort ADN bio et nature... Et une commercialisation directe conséquente qui permet un lien sans intermédiaire avec les marchés. Une prise directe bien utile pour anticiper l’aval de Loire et permettre l’adaptation progressive du vignoble à la demande. Ce qui n’empêche pas les à-coups commerciaux, comme peuvent en témoigner les rosés.
La relative flexibilité de l’offre permet d’éviter les certitudes, le seul dogme ligérien semblant être de répondre à une demande d’acheteurs. Si tous les opérateurs aimeraient ne produire que les vins qu’ils vendent et valorisent, il faut constater que le val de Loire ne prévoit pas d’arracher de vignes : les surfaces sont globalement calibrées selon les besoins, grâce à des histoires différentes selon les zones. En Anjou-Saumur, la structuration progressive des appellations socles volumiques aurait permis de basculer des volumes de vins quotidiens vers des produits en développement, comme le crémant de Loire dont la croissance compense les changements de consommation (et épargne les impasses visibles dans d’autres vignobles). En Muscadet, la violente dégringolade commerciale des années 1990 a conduit à des arrachages massifs ramenant le vignoble aux surfaces de 1970, avant les plantations à outrance. De quoi calibrer l’offre et la demande, sans douleur angevine, ni pays nantis.
Autre déterminisme des vins de Loire, le travail interprofessionnel recalibré depuis la crise institutionnelle du milieu des années 2010. Alors que les interprofessions sont souvent remises en question en périodes de crise pour leur distance aux adhérents ou la faiblesse de leurs services face aux cotisations appelées, il semble que la filière ligérienne l’ait vécu avant l’heure, recentrant son intervention sur l’observatoire économique, le suivi technique, la communication export et la structuration œnotourisme. La communication en France revenant au niveau local des Organismes de Défense et de Gestion (ODG). De quoi ouvrir des lieux de dialogue constructif et de réflexions stratégiques nécessaires pour accompagner le mouvement et essayer d’être porté par lui : conquête sur le marché français, valorisation à l’export, transition agroécologique et atténuation du changement climatique… Ligérien que ça.