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Le négoce bordelais mobilisé pour vendre des vins étrangers ? "C’est scandaleux" pour Alain Raynaud
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Entretien cash
Le négoce bordelais mobilisé pour vendre des vins étrangers ? "C’est scandaleux" pour Alain Raynaud

Entre constat d’échec pour la dernière campagne des primeurs de Bordeaux et incompréhension de la mobilisation des négociants pour des étiquettes étrangères, le point sans langue de bois sur le marché des grands crus classés avec Alain Raynaud, le président du Grand Cercle des Vins de Bordeaux.
Par Alexandre Abellan Le 23 septembre 2024
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Le négoce bordelais mobilisé pour vendre des vins étrangers ?
Dans la filière bordelaise, « tout monde est concerné par la crise. Sauf les premiers et les super seconds » estime Alain Raynaud. - crédit photo : DR
Q

uel est votre bilan de la campagne des primeurs 2023 : est-ce un rendez-vous raté ?

Alain Raynaud : Un rendez-vous complétement raté. La crise est majeure et excessivement inquiétante. Le négoce est normalement l’acteur principal du marché primeur. Avant de critiquer, il faut savoir pourquoi le négoce n’achète pas : parce qu’on ne leur en demande pas et parce qu’ils n’ont plus les moyens et plus l’envie d’embaucher des représentants pour sillonner les marchés. Les primeurs continuent de marcher pour les produits leaders, les premiers et super seconds, avec des prix en baisse significative (jusqu’à la moitié du prix de l’année passée). L’encéphalogramme est plat : nous sommes désemparés.

Il y a des sessions de rattrapage, mais on est totalement tributaire de la Grande Distribution en France. Quand voit Lidl faire un cahier de foire aux vins avec des Bordeaux à moins de 2 € la bouteille, on sait qu’il y a un problème alors qu’il y aussi le prix du flacon, de la capsule, du bouchon et de la mise… Tous nos amis qui ont cédé aux offres d’achat de Lidl ont vendu à perte. Mais ça ne peut pas durer très longtemps. Il y a pas mal de suicides dans le vignoble, c’est dramatique.

 

Grands crus classés et place de Bordeaux se renvoient la balle pour expliquer et résoudre cette crise…

La propriété et le négoce se partagent la responsabilité de ce qui se passe. La propriété n’est peut-être pas assez consciente de ce qui se joue. Et le négoce n’a jamais joué le jeu de la propriété : ils ne prennent et ne vendent pas un cru qui ne soit pas déjà connu et ayant déjà du succès. Mais ne soyons pas trop sévères, les négociants ne sont pas en grande santé financière, ils ne sont pas plus joyeux que nous.

Ces dix dernières années, nous n’avons jamais fait de vins aussi bons à Bordeaux. C’est à la fois désespérant et rassurant. Désespérant parce que cela devrait bien se vendre. Mais rassurant comme un bon vin le reste pendant des années : les stocks se valoriseront. La solution passe par la conscience du prix des produits. Sinon, on va s’enfoncer. Les vins de Bordeaux gardent une qualité irréprochable, mais quand on n’a plus les moyens de protéger ses vignes et de vinifier correctement, on prend des risques sur la qualité. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, mais pour combien de temps encore ? Il faut nous aider.

 

En tant que médecin, quel remède préconisez-vous pour la place de Bordeaux ?

Il faudrait un traitement de choc, poursuivi par de bonnes habitudes à prendre. Si l’on ne fait pas ça, de plus en plus de nos amis seront très mal. Ça me désespère quand j’apprends qu’untel c’est suicidé. La crise n’est pas passée, on est au milieu du gué. Parmi les mesures à prendre, l’arrachage ne sera pas suffisant. C’est malheureux à dire, mais pour être plus conforme à la demande d’un marché quasiment inexistant, il faudrait arracher trois fois plus. Il faut surtout continuer de parler de qualité des vins de Bordeaux. Il faut accompagner les consommateurs et les restaurateurs. Quand on voit les prix auxquels se trouvent des crus bourgeois et certains crus classés, c’est très raisonnable.

 

Cet automne, la place de Bordeaux mobilise son énergie pour la mise en marché des vins hors-Bordeaux. Qu’en pensez-vous ?

C’est scandaleux. Quand j’étais le président de l’Union des Grands Crus de Bordeaux en 1998, le conseil d’administration avait demandé à lutter contre l’apparition sur la place d’Almaviva (domaine chilien créé par Mouton-Rothschild et Concha y toro en 1997). C’était la première tentative d’irruption sur la place. Que les négociants vendent des vins étrangers, ça ne me gêne pas. Mais qu’on ne leur donne pas l’importance qu’ils prennent. Autrefois, il y avait deux à trois négociants coutumiers [de la commercialisation de vins hors-Bordeaux] maintenant tous les principaux s’y sont mis. Ils vendent sans difficulté les premiers [grands crus classés] en primeurs et embraient sur la cinquantaine de vins étrangers dont les prix flambent. Quand les négociants n’ont plus de trésorerie pour porter les vins de Bordeaux, ils font leur beurre sur les vins étrangers… En plus, quand on regarde le développement technique de ces vins, on trouve des consultants bordelais. C’est un peu fort de Roquefort.

 

Comme d’autres, vous reprochez à la place de Bordeaux d’aller à la facilité : vendre les étiquettes les plus valorisées et demandées, des premiers grands crus classés aux marques étrangères partant toutes seules.

A la décharge de la place de Bordeaux, ce sont les vins qu’on leur demande. Un peu de curiosité permettrait de présenter aux consommateurs des vins bordelais de grande qualité à des prix attractifs. Une fois la campagne faite pour les vins étranges, il n’y plus de gaz pour les crus bourgeois et les crus classés. Si le marché était très porteur, je serais large d’esprit pour qu’ils vendent des vins étrangers, mais là, il n’y a plus la clientèle en face.

 

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Tous les commentaires (7)
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dominique Le 25 septembre 2024 à 09:41:16
Alain Raynaud est quelqu'un qui a joué à fond la carte des ventes en primeurs. Il a pleinement participé au cirque spéculatif autour de Parker. J'ai encore en tête un épisode où Parker et Alain Raynaud étaient partis se mettre au vert pour déguster ( et noter ! ) les échantillons. Ce cirque spéculatif autour des vins de Bordeaux a généré une arrogance de tout un milieu de "happy fews", plus ou moins au courant à l'avance des notes qu'allait sortir le grand mamamouchi. Comme par hasard, les crus dont la note Parker explosait, avait fait l'objet d'achats anticipés ! Pas la peine de s'étendre, "tout le monde savait" comme on dit maintenant. Et il y a peut-être prescription ? Tout ce micmac a contribué à renforcer le rejet de Bordeaux dans le monde du vin. Après avoir abusé de ce système, il ne faut pas s'étonner d'un retour de bâton. Cela serait sans problème, si ce discrédit ne touchait que le marigot où barbotait beaucoup de grands crus classés. Mais c'est tout Bordeaux qui a été éclaboussé par cette image d'affairisme. C'est pourquoi j'ai bien regretté que Bordeaux ne se soit pas "désarrimé" des Grands Crus Classés qui, eux, se sont déterritorialisés depuis longtemps. L'image de luxe suranné trimballé par ce petit monde, ce n'est pas ce qui va permettre aux vins de vignerons de ré-enchanter l'imaginaire du vin. Rappelons nous quand même que pour vendre du vin, il faut qu'il soit désirable. Il est fini le temps des vins « icôniques » où on se pâmait rien qu'en voyant l'étiquette. Quant à ces ventes de vins étrangers par un certain négoce de Bordeaux, elles confirment que ces gens doivent être expulsés de toute interprofession car ils ne jouent pas le jeu collectif.
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augustin Le 23 septembre 2024 à 23:40:13
Plusieurs questions se posent : La fgvb à t elle été interrogée au prealable par l umb et le syndicat des courtiers sur le bien-fondé d un tel virage stratégique et son ompact au niveau de la filiere ? Comment le même civb peut il continuer à accorder une franchise totale de la cvo sur ces transactions de vins etrangers ? Et bien entendu :^) oû en sont actuellement les travaux du civb ayant comme objectif d obtenir de leurs équivalents etrangers ... le même traitement préférentiel pour les vins bordelais donc à Sidney , Buenos Aires ou Madrid...? Le fait que les actuels caciques du civb ne se soient apparemment même pas posé cette question inspiree d une saine demande de reciprocite ...en dit long sur la faible priorite donnee par cet organisme pour la défense des petits châteaux et de leurs vins distributifs a l export ... Dommage !
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augustin Le 23 septembre 2024 à 23:12:07
Le Dr raynaud a bien sûr raison . Comme le raconte avec verve José Garcia dans le film "mort de rire " certains chasseurs d ours mériteraient d être interpellés sur leur réelle motivation ( humour !) . Plus sérieusement et après avoir vu sa tresorerie siphonnee par 3 campagnes de primeur consécutives en local, est il raisonnable de se refaire sur le même tapis vert en chageant juste quelques jetons ? Vivement le retour au distributif , avant qu il ne soit pas trop tard car l heure tourne aussi pour le milieu de gamme bouteille.
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augustin Le 23 septembre 2024 à 23:04:51
Bravo au docteur Alain Raynaud de braver ainsi l omerta , en disant tout haut ce que beaucoup de viticulteurs bordelais pensent tout bas . Les négociants de Bordeaux , après s être faits siphonner la trésorerie par leurs anciens amis des crus classes locaux , tentent de se refaire la cerise . Avec la commercialisation des domaines les plus prestigieux plantes en espagne , en Italie, en napa et sur l hémisphère sud. Bien entendu au détriment du milieu de gamme bordelais distributif , représente par d excellentes familles de crus comme le grand cercle oubles crus bourgeois, désormais orphelins . Cet opportunisme de dernière minute ne les sauvera pas car leurs nouveaux partenaires étrangers disposeront d eux tut comme les grands crus l ont fait. Pis , ils entraînent dans la tourmente tout le milieu de amme des vins de bordeaux , donc ultimement la filière tout entière. Sans oublier une contribution négative au commerce extérieur.Ce mécanisme nouveau ne sert que dans un sens et on remarquera que aucune capitale du vin à l etranger ne songe bien entendu à nous renvoyer l ascenseur en accélérant la mise en marche de vins français chez eux . Eux ne sont pas fous et le message ultra libéral de "génération vignerons " prônant la mondialisation à outrance ne peut venir que d un candide . Au foot cela s appelle un but contre son camp . Et qui plus est le civb loin de contrôler le processus l encourage via franchise totale de la cvo. Certains sont ils sûrs d être venus simplement pour la chasse à l ours , comme l évoque avec verve José Garcia dans le film "mort de rire " , on pourrait presque se poser la question :^)
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Cahuita33 Le 23 septembre 2024 à 21:25:25
Les vins non vendus se valoriseront????? A condition que les banques laissent le temps au temps?ce qui n'est pas le cas. Les grands crus ont lancé une course au classement qui a nécessité des fonds importants, pretes par les banques. Cela fonctionne sous condition que les vins se vendent. Quand on devalorise de 30% un millesime apres n'avoir cessé d'augmenter les prix, il est hallucinant de penser qu'un consommateur ne se sente pas floué. Ce n'est pas demain que les acheteurs reviendront?chat echaudé?.
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P Hat Le 23 septembre 2024 à 15:39:14
Accompagner les consommateurs? Le symptome du malade est qu'il boit moins ou boit autre chose. On le force? Accompagner les restaurateurs? Beaucoup de salles de restaurants sont difficilement remplies et les clients en général boivent moins. On décrète le passage au resto 3 fois par semaine avec vin et digestif obligatoires? Pourquoi ne pas accompagner aussi les vignerons dont les vins ne plaisent plus? Et si ce système unique de négociants Bordelais était arrivé au bout du rouleau, malgré ces vins étrangers? Combien de régions viticoles dans le Monde se passent de ce type de système et s'en portent très bien. En travaillant un peu plus que les châtelains Bordelais, en accueillant toute une nouvelle génération de consommateurs, en leur parlant de leur passion, en les écoutant, en offrant des expériences uniques qui enchantent et en produisant simplement du bon vin. ces régions préparent leur futur. Les Bordelais, qui n'ont pas vu venir l'orage, seront-ils capables d'ouvrir leurs Palais endormis?
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Raffard jean Philippe Le 23 septembre 2024 à 11:27:27
"Quand les négociants n'ont plus de trésorerie pour porter les vins de Bordeaux, ils font leur beurre sur les vins étrangers? " Cette phrase montre que M. Raynaud n'a pas perçu la puissance du marché global, mondialisé des grands vins. L'ambition de Bordeaux d'être la première place de marché des grands vins est très motivante et ses atouts sont nombreux. Le rayonnement international de Bordeaux ne se fait plus uniquement sur ces vins, mais sur cet écosystème unique associant production et négoce. Génération Vignerons
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