ntretemps, le marché chinois s’est effondré, la déconsommation a miné le marché mondial, les attentes des consommateurs ont évolué, partiellement sous l’effet du Covid-19, les événements climatiques extrêmes se sont multipliés, la surproduction mondiale a exacerbé les excédents australiens, le mouvement néo-prohibitionniste a gagné du terrain, les coûts de production ont grimpé et le climat géopolitique a perturbé les échanges. D’où la nécessité de revoir certains objectifs chiffrés et de mettre davantage l’accent sur la rentabilité et la résilience du secteur, « en identifiant les domaines prioritaires où la filière souhaite voir des investissements et de la collaboration d’ici 2030 », note ce nouveau plan stratégique intitulé « One Grape & Wine Sector Plan ». Une feuille de route qui s’inspire ouvertement du plan initié par le secteur australien de la viande rouge à horizon 2030…
Des résultants édifiants entre 1991 et 2007
Ce n’est pas la première fois que la filière vitivinicole australienne, à travers ses deux principaux représentants professionnels que sont Wine Australia et Australian Grape & Wine, recueille dans un document stratégique ses ambitions futures. Dès 1996, elle a publié « Strategy 2025 », qualifié de « document historique » qui traçait le parcours à suivre pour assurer la pérennité, et surtout la forte croissance, du secteur. Ce plan a été réactualisé en 2007 sous le nom de « Directions to 2025 ». En 2020, lors de la publication du successeur de ce dernier, « Vision 2050 », le président d’Australian Grape & Wine, Sandy Clark, affirmait : « Lorsqu’on relit ces documents, on peut en conclure aisément que la filière vitivinicole a connu un succès retentissant au cours des trente dernières années. La plupart des objectifs fixés, notamment les prévisions de vente à l’export et sur le marché domestique, ont été atteints ou dépassés ». En effet, entre 1991 et 2007, le secteur du vin en Australie a affiché une croissance insolente : sa production est passée de 4 à 12 millions d’hectolitres pour un chiffre d’affaires de 5 milliards AUD en 2007 (soit quelque 3 milliards d’euros), dont 3 milliards AUD à l’exportation, et une rentabilité jugée « globalement bonne ».
Une pérennité ébranlée
Mais voilà que les temps ont sensiblement changé, et que l’Australie est passée de la croissance à la relance. Une concurrence internationale de plus en plus rude, la crise financière de 2008-2009 et sans doute la pression commerciale exercée par un développement débridé des plantations sous l’influence d’incitations fiscales ont poussé la filière vers ses limites. Seule la Chine a permis à l’Australie de maintenir le cap, jusqu’à ce que tout s’effondre en 2021. Si les germes de la crise sont multiples, et mondiales, le nouveau plan stratégique reconnaît que « des décisions, programmes, actions et plans du passé ont exacerbé les conséquences de ces défis pour les producteurs australiens de raisins et de vins – notamment l’enjeu le plus urgent qui est celui de la surproduction ». A force de viser toujours plus haut, en matière de volumes et de chiffre d’affaires, la filière vitivinicole australienne s’est montrée finalement un peu trop gourmande, affaiblissant ainsi la pérennité de bon nombre d’exploitations. Dans son mea culpa, le document stratégique reconnaît que « les solutions d’hier ne garantissent pas la réussite de demain », et que « sans changement de cap, il sera extrêmement difficile d’atteindre les objectifs fixés par « Vision 2050 » ».
Prise de conscience
Désormais, la priorité absolue est de rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande, en « accélérant la demande, en adoptant des innovations (au niveau de la production et du produit) et en soutenant les viticulteurs souhaitant s’orienter vers d’autres cultures ou quitter le secteur dignement ». Pour recenser précisément l’offre, la filière a besoin d’un casier viticole, encore absent du paysage australien. Outre ce rééquilibrage, cinq autres priorités ont été définies : la diversification et l’intensification des marchés internationaux ; le développement du marché domestique ; l’adoption large du développement durable et l’amélioration constante des pratiques ; la défense de la place du vin dans la société ; et un système de cotisations idoine, apte à répondre à des besoins spécifiques. D’ailleurs, d’après un premier chiffrage, les mesures de « relance et de résilience » nécessiteraient l’injection de 86 millions AUD (soit environ 52 M€) dans un premier temps. La filière a désormais besoin, moins d’objectifs ambitieux de croissance que de conseils, de données pertinentes pour quantifier correctement l’offre et la demande en temps voulu, d’une gouvernance plus forte et coordonnée, d’une simplification des procédures administratives dans le cadre de la transformation numérique, et surtout d’actions urgentes. Peu importe la distance qui sépare les acteurs de la filière vitivinicole, au final la mondialisation les a bien rapprochés.