u cœur de l’AOC Châteauneuf-du-Pape, 19 ha de vignes en production seront vendus à des jeunes installés ou des viticulteurs locaux, suite à un travail d’équipe entre le Crédit Agricole Alpes Provence (CAAP) et la Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural de Provence (Safer PACA). Le CAAP a présenté ce 4 septembre en conférence de presse son action « pour faciliter l’installation ou maintenir la propriété foncière en local », appuie Franck Alexandre, président du conseil d’administration du Crédit Agricole Alpes Provence. Au départ, les actionnaires d’un groupement foncier agricole (GFA) créé en 1991 se décident à vendre en 2023 les 19 ha de vignes en AOC Châteauneuf-du-Pape et 8 ha en AOC Côtes du Rhône sur la commune de Suze-la-Rousse.
« Ce n’est pas tous les jours qu’il y a 19 ha de vignes de Châteauneuf à la vente. Dès que nous en avons eu connaissance il y a un an, Crédit Agricole Alpes Provence et Safer ont entamé un long travail de négociation et concertation, dans l’objectif de convaincre le gérant du GFA (groupe Amundi, ndlr) d’étudier la vente par l’intermédiaire de la Safer et permettre aux viticulteurs locaux d’être propriétaires et exploitants », retrace Franck Alexandre.


Via sa filiale CAAP Transac, le Crédit Agricole a été sélectionné pour être l’un des deux mandataires opérant à la transaction de cession, quand la Safer Paca a obtenu la mission de maîtriser les 19 +8 ha de vignes, en vue d’attribuer ces parcelles à des jeunes et des viticulteurs du territoire. « Ce lot a réveillé un grand nombre d’appétits de courtiers nationaux et surtout internationaux désireux d’investir dans le foncier prestigieux de l’appellation. D’où notre implication pour éviter ce scénario et ne pas créer de spéculation sur le prix des terres de l’appellation », pose Jérôme Lebon, directeur général adjoint du CAAP.
Tous les vignerons de l’appellation en capacité d’investir ont donc pu postuler (jusqu’à fin juillet) à l’achat d’une partie du lot de vignes disponibles, pour des prix évalués autour du demi-million d'euro par hectare. « Sur une appellation à forte pression foncière, notre action vise à réguler le prix du foncier pour permettre l’acquisition par des vignerons du secteur », pose Julien Latour, président du comité technique Vaucluse de la Safer PACA, « d’autant qu’une situation de cet ordre, 19 ha d’un coup, est exceptionnelle à Châteauneuf, où nous n’avons géré la cession que de 74 ha depuis début 2021 ». Depuis la fin de dépôt des dossiers, Julien Latour spécifie que « les arbitrages entre les 14 candidats sont faits selon le schéma directeur régional et les articles du Code rural, les profils d’installation et de remembrement étant privilégiés ».
Le Crédit Agricole ne joue donc qu’un rôle de mandataire dans le montage, Jérôme Lebon assurant que les candidats retenus n’ont aucune obligation à solliciter un financement de leur investissement par la banque CAAP. « Nous ferons cependant tout ce que nous pouvons pour être bien positionnés pour accompagner ces financements », glisse tout de même Franck Alexandre.
Vendanges obligent, la présidente de l’appellation Amélie Barrot ne pouvait assister à cette présentation, mais était représentée, rappelant d’ailleurs que « l’ODG (organisme de défense et de gestion, ndlr) surveille de près ce processus car le sujet de la spéculation sur l’appellation est majeur pour nous, nous sommes donc très vigilants quant aux profils qui seront retenus ». Elle souligne que le prix des vignes en AOC Châteauneuf-du-Pape complique les dossiers de transmission, tordant le cou au fantasme d’une appellation où les vins se vendent tous seuls. « Les marchés sont tendus pour tout le monde, et la déconsommation des vins rouges nous affecte également », souligne-t-elle. Pour l’instant, Franck Alexandre préfère rassurer sur la rentabilité d’un tel investissement à 550 000 €/ha, frais de notaire inclus. « Un rendement moyen de 30 hl/ha permet de produire environ 4 000 bouteilles/ha. A 30 €/bouteille, l’investissement est amorti après 5 ans d’activité », démontre-t-il de façon assez simple. Reste à voir si les acquéreurs seront en mesure de pratiquer ces tarifs et assumer leurs charges de fonctionnement dans les années à venir.