ée en 1936, l’appellation Châteauneuf-du-Pape se revendique fièrement comme « la première des AOC ». L’âge avancé de cette doyenne n’est pourtant pas un obstacle à la volonté de ses vignerons de dépoussiérer et rafraichir l’image de leur appellation. « La réflexion a été lancée il y a plusieurs années, nos vignerons rapportant régulièrement de leur clientèle que malgré son excellente notoriété, l’image de notre AOC était un peu vieillissante. Une volonté de la rajeunir s’est largement manifesté, sans pour autant couper avec la tradition de notre appellation », explique Amélie Barrot, la présidente de l’organisme de défense et de gestion (ODG) Châteauneuf-du-Pape. Réunis au sein d’un groupe de réflexion et d’un comité de pilotage dédié, les vignerons de Châteauneuf-du-Pape ont fait avancer cette démarche pour proposer aujourd’hui une nouvelle identité visuelle et un nouveau logo de communication institutionnelle.
En s’appuyant sur la forte notoriété de cette appellation prisée sur les marchés, les vignerons locaux ont souhaité apporter de la clarté, afin que l’image reste en phase avec la réalité de ses producteurs. « Trop souvent associés à une imagerie traditionnelle, les vins de Châteauneuf-du-Pape veulent montrer la richesse de leur diversité. Le cahier des charges offre autant une liberté d’utilisation de cépages que de variété de terroirs », appuie un communiqué du syndicat d’appellation, rappelant également qu’il y a « un vin Châteauneuf-du-Pape particulier pour chaque instant de convivialité, pour chaque moment qui compte ».
Le résultat de cette démarche a conduit « à repenser le logo mythique de l’appellation, qui conserve les éléments symboliques de la tiare et des clés du vignoble castel papal, mais en faveur d’un logo qui gagne en simplicité et en épure », décrit encore un communiqué. C’est donc ce dessin de la bouteille armoriée, imaginée en 1937, qui devient la référence visuelle unique que l’on pourra retrouver sur les visuels publicitaires, superposée aux moments vécus au vignoble ou à la cave. Cette nouvelle stratégie de promotion vantant la modernité de l'appellation sera déployée en 2023, en France et sur les principaux marchés export. « Deux tiers des volumes ont été exportés en 2021, nous visons prioritairement une reconquête du marché français, en particulier sur le public des 30-45 ans, car notre clientèle nationale se situe dans des tranches d’âge plus élevées », appuie la présidente de l’ODG.
Amélie Barrot - DR
Si la notoriété et les ventes de l’appellation vauclusienne se portent bien, la présidente de l’ODG Amélie Barrot souligne néanmoins quelques enjeux essentiels pour l’avenir de l’appellation. « Comme les autres régions viticoles, nous sommes touchés par les aléas climatiques et l’accès à l’eau fait partie des questions qui arrivent en priorité pour nos vignerons. 2000 ha des 3200 ha que compte l’appellation sont intéressés par un raccordement à une possibilité d’irrigation », développe la vigneronne des vignobles Mousset-Barrot. « La mise sous pression du canal de Châteauneuf, qui arrive du Rhône, constituera une première étape au bénéfice de la partie sud de l’appellation, avant de pouvoir agir de la même manière d’ici deux ans pour la partie nord », poursuit-elle.
Le succès de l’appellation offre également plusieurs revers de médaille. La succession de petites récoltes entraîne une tension sur les prix mais également des difficultés pour les producteurs à servir tous leurs marchés. « L’arrivée d’investisseurs aux moyens quasi-illimités crée aussi des tensions spéculatives sur le prix des parcelles. L’hectare n’atteint pas encore le million d’euros mais plusieurs centaines de milliers d‘euros. Cela implique des difficultés pour la transmission aux plus jeunes, nécessitant une préparation bien en amont », relève Amélie Barrot. Elle se satisfait néanmoins de la bonne dynamique de jeunes qui prennent le relais dans les propriétés. « La bonne santé commerciale leur donne des garanties et laisse envisager des perspectives à la nouvelle génération », valide-t-elle. Ceux-ci se montrent en outre plus attentifs aux enjeux environnementaux et techniques, « et se montrent moteurs autour du projet d’intégrer des mesures agro-environnementales dans le cahier des charges de l’appellation, même si c’est un dossier qui nécessitera beaucoup de temps », enchaîne Amélie Barrot, qui ajoute qu’un tiers des surfaces de l’appellation sont aujourd’hui en bio.