la route du rhum va répondre une traversée transatlantique des champagnes et cognacs : 850 tonnes de cognacs Martell, champagnes Mumm et Perrier-Jouët (MMPJ) partent ce vendredi 9 août du port du Havre pour relier en deux semaines New York dans le cargo-voilier Anemos de l’entreprise TransOceanic Wind Transport (TOWT, basée au Havre). Un bateau de 81 mètres de long et accueillant 6 cales d’une contenance de 1 000 tonnes de marchandises (dont d'autres vins, comme ceux du Languedoc du château La Coste) pour une durée de voyage équivalente à celle d’un cargo classique. Et surtout une première livraison à la voile pour fixer un standard de décarbonation du fret maritime entre l’Europe et l’Amérique du Nord espère MMPJ (groupe Pernod Ricard), pour qui les États-Unis sont le deuxième marché export pour ses cognacs et champagnes (respectivement derrière la Chine et le Japon).
« Notre ambition est d’en faire notre mode de transport principal sur cette route » pose Sonia Le Masne, directrice du développement durable pour MMPJ, qui souligne l'absence d'impact qualitatif sur les bouteilles transportées (voir encadré) et compte s’appuyer sur une fréquence croissante des traversées (avec 8 bateaux affrétés d’ici 2027 pour une traversée transatlantique mensuelle). Si le groupe Pernod Ricard n’aime pas chiffrer ses expéditions, « dès la première année nous expédierons par voile 100 % des champagnes Perrier Joüet belle époque, nous visons 50 % pour les cognacs Martell qui montera progressivement comme ce sont les plus gros volumes » explique Sonia Le Masne, voyant dans le cargo-voilier « une solution d’avenir pour une monde sans énergie fossile. Le transport à voile redeviendra standard. Le vent est une ressource inépuisable et fiable » (TWOT optimisant le temps de trajet avec une intelligence embarquée pour changer la route en fonction des vents).


Par rapport à un cargo classique, le voilier de TOWT annonce réduire « de plus de 90 % les émissions de CO2 ». De quoi participer à la « trajectoire globale de neutralité carbone d’ici 2050 qui couvre l’ensemble de la chaîne de valeur » du groupe Pernod Ricard. Et où le transport est loin d’être le premier poste d’émission de gaz à effet de serre. Pointant en quatrième place, « le transport est une partie seulement de notre empreinte » note Sonia Le Masne, évoquant comme principales sources d'émission l’amont viticole (où MMPJ travaille sur l’agriculture régénérative avec des couverts végétaux et de la vitiforesterie, la réduction des engrais minéraux, l'arrêt du GNR pour passer aux véhicules électriques ou à biocarburant…), la distillation (en testant la vapeur notamment) et le packaging (fours verriers électriques ou hybrides, réduction du poids des bouteilles, arrêt des suremballages cadeaux systématiques…).
« On est dans le dur : on cherche des leviers de décarbonation sur nos principaux postes [émetteurs] » indique Sonia Le Masne, qui affirme la volonté de la branche prestige de Pernod Ricard d’être rupturiste. Avec une approche de précurseur, pour ne pas dire d’explorateur (Mumm étant de l’expédition de Jean-Baptiste Charcot lors de son hivernage en Antarctique il y a 120 ans). Pour le transport par voilier, « une fois que l’on aura plus de navires, il ne restera plus que la question que de la fréquence. On utilisera TOWT par défaut, au maximum, pour couvrir 100 % de nos produits. Cela envoie un message : c’est possible par l’innovation » indique Sonia Le Masne. Partenaire depuis 2021 de TOWT, Pernod Ricard ne truste pas l’intégralité de ses cales, mais s’autolimite à 85 % de remplissage pour que d’autres chargements soient des voyages. Quant aux autres destinations du grand export, notamment l’Asie, il faut désormais trouver les meilleurs options décarbonées note Sonia Le Masne.
Sonia Le Masne précise que « les voiliers-cargo TOWT sont équipés d’un système de suivi de qualité organoleptique pendant le voyage qui permet de suivre l’hydrométrie et la température. Ce système (LACOE) est automatisé et embarqué.Alors que les cales des navires traditionnels ont besoin d'être réfrigérées pour le transport de produits fragiles comme les vins et spiritueux, celles des navires à voile de TOWT ont une température et une hydrométrie idéales, qui maintiennent une variation maximum de 1 degré. Le voyage par bateau reste le transport historique des cognacs et champagnes vers les États-Unis, qui a fonctionné pendant des décennies. »