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"La viticulture française ressemble à un château de cartes posé sur une table qui tremble"
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Joël Boueilh
"La viticulture française ressemble à un château de cartes posé sur une table qui tremble"

Alors que des caves coopératives témoignent de la dégradation économique annoncée de la filière vin, le soutien des pouvoirs publics fait clairement défaut. Le point avec le président des Vignerons Coopérateurs, particulièrement inquiet avant son congrès national ce jeudi 27 juin au mas des Romarins (Île des Embiez).
Par Alexandre Abellan Le 25 juin 2024
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'Le temps politique va ajouter des embûches sur un chemin déjà difficile pour les vignerons et caves coopératives' alerte Joël Boueilh. - crédit photo : DR
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es difficultés financières de caves coopératives sont de plus en plus visibles, ne se limitant plus aux reports d’acomptes aux adhérents, mais passant désormais par des procédures de sauvegarde… Jusqu’à quel point les prochains mois s’annoncent-ils difficiles pour la coopération viticole ?

Joël Boueilh : J’espère bien que dans les prochains mois nous ne verrons pas d’autres caves coopératives prendre le même chemin que celui que l’on vient de voir. C’est symptomatique d’une situation qui se dégrade. On alerte depuis de longs mois maintenant, malheureusement je redoute qu’il y en ait d’autres. Moi ça me peine. Quelque part, le message que j’essaie de faire passer a du mal à être entendu par les autorités au-dessus de nous.

Avec l’instabilité politique actuelle, ça va être difficile de prendre des mesures d’urgence. Maintenant que l’on a absolument besoin de réponses, on ne sait pas qui seront nos interlocuteurs. Si je me fie aux sondages, il y a le risque de devoir tout réexpliquer. On ne sait pas comment cela va se passer, j’ai du mal à avoir de la visibilité. Le fait est que le temps économique n’est pas le même que celui politique. Le temps économique nous emmène, si ce n’est vers un mur, du moins vers un chemin qui va être semé d’embûches pour les vignerons et les caves coopératives. Le temps politique va ajouter des embûches sur un chemin déjà difficile pour les vignerons et caves coopératives.

 

Alors que les coûts de production pèsent déjà sur le millésime 2024 malmené par la météo, l’enjeu de la rémunération qui mobilise la filière vin semble d’autant plus urgent qu’il semble en suspens.

Quand on connait le contexte du millésime 2023 dont on sort et que l’on voit en 2024 les charges que l’on se remet sur le dos avec une météo qui ne fait de cadeau à personne (tout le monde peut se plaindre du trop d’eau, hormis une partie du littoral méditerranéen). Le vignoble lutte pied à pied contre le mildiou et cette année ça tient la route, par rapport à la même période en 2023 où ça commençait à flamber.

Aujourd’hui, la viticulture française ressemble à un château de cartes posé sur une table qui tremble. On ne sait pas combien de temps cela va tenir. Et quels pans vont commencer par se casser la figure. Il y a des régions en souffrance depuis quelques temps et celles qui allaient bien commencent à avoir le nez qui pique dans l’eau et sont à la limite de la saturation. On tremble tous un peu. On a besoin de rapidement prendre des mesures d’urgence pour sauver la filière et la tenir à flot. Et parallèlement, on doit aussi se projeter un peu plus loin pour se donner des perspectives.

Mais comment réfléchir à demain quand on lutte pied à pied et que l’on voit les trésoreries fondre ? Je ne vous cache pas que pour se projeter, il faut avoir foi dans l’avenir. Mais c’est ce que nous devons faire comme responsables. Nous devons dire que l’on passe un moment difficile et encourager les gens à tenir pour se donner des perspectives. Y compris dans les caves et les zones en difficulté majeure. Il faut les aider pour relever le gant. Les enjeux sont terribles actuellement. Le fait de ne pas avoir d’interlocuteur dans les pouvoirs publics en ce moment, c’est terrible. Il va y avoir une longue file d’attente pour les ministères tout cet été, je serais surpris si des choses avancent en août.

 

Rien que pour filière vin, les sujets sont nombreux : arrachage temporaire/définitif demandé pour ce 15 octobre, demande maintenue d’une mise en stockage privé, revendication d’une écriture comptable équilibrant les résultats coopératifs…

Le sujet de l’année blanche d’amortissement, c’est à l’automne que cela doit se décider comme c’est la période des assemblées générales de clôture des comptes. Il faut que la décision soit prise au plus vite. Il y a en effet tout l’enjeu de donner la bonne mesure et la bonne enveloppe pour l’arrachage afin d’engager les vignerons et engager les travaux à partir du 15 octobre. Mais quand on n’a pas d’interlocuteur ou qu’il faut tout reprendre à zéro… C’est fou. J’ai peur que le temps politique annihile bons nombres d’effort des 12 derniers mois.

Je dois pousser un petit coup de gueule : il y a des choses que l’on porte depuis 6 à 12 mois et pour lesquelles on attend toujours une réponse des pouvoirs publics. Y compris le signe ne serait-ce que de travailler sur les sujets. Ça pèse aussi dans les résultats électoraux, quand on voit que les gens en face ne répondent pas aux demandes… Je vous le dis sincèrement, ça me désole : c’est terrible pour la filière. Ça va être terrible pour les vignerons s’il n’y a pas de résultats.

 

Les caves coopératives portent également une demande d’aide à la restructuration face à l’arrachage. Si cette réduction de l’outil industriel n’est pas accompagnée, anticipée, en lien avec la réduction du potentiel de production, elle aura forcément lieu dans la douleur ?

On porte le sujet de la restructuration des caves coopératives depuis le début 2024. On le mène concomitamment avec tout le projet d’arrachage des vignes. Je vois encore le ministre de l’Agriculture [NDLA : Marc Fesneau] au salon Wine Paris, en février dernier, qui me dit qu’il y a un enjeu important à ne pas laisser de côté. Et depuis, silence radio. Alors que l’on en parle à chaque fois que l’on a vu le ministre et ses services. Nous avons l’esprit de construction et nous sommes prêts à entendre qu’il y a des budgets limités. Mais plus on prend une difficulté en amont, plus on peut réduire les budgets pour la résoudre. C’est toujours quand on agit dans l’urgence que cela coûte le plus cher.

 

Parmi vos déceptions, il y a également la fin de non-recevoir des assureurs pour la demande de prise en charge de la pression mildiou du millésime 2023…

On retrouve un sujet sur lequel on était plutôt volontaristes et sur lequel on se sent lâchés en rase campagne. Les vignerons sont déçus d’avoir cru dans le contrat MRC (MultiRisque Climatique). Ce qui devait être un progrès devient un recul assurantiel dans le Sud-Ouest, avec le développement d’autres contrats (paramétriques par exemple). On est à l’envers de ce que l’on voulait faire. Sans doute la moyenne olympique y est pour beaucoup. Vu le rendement moyen, il n’y a plus intérêt à s’assurer quand à l’étiage on récolte toujours au niveau de la moyenne olympique, quoiqu’il arrive. L’enjeu est de trouver des députés européens pour porter la refonte de la moyenne olympique. Après les élections européennes, tout est à reconstruire à Bruxelles (nos élus référents ont été battus ou ne se sont pas représentés).

 

Pour s’adapter aux temps modernes, votre congrès va porter sur l’intelligence artificielle. Peut-elle permettre à la filière de s’adapter et enfin rebondir ?

Les progrès de l’intelligence artificielle, on les croise déjà et ils vont s’imposer à nous. Pour la gestion du personnel par exemple, la raréfaction de la main d’œuvre amènera à plus d’IA, de robotisation… Le congrès va nous servir à mettre le doigt sur un outil qui va se démocratiser. C’est un train que nous ne devons pas laisser passer. On a un marché du vin en bouleversement et en restructuration : à nous de nous adapter pour suivre ces évolutions. Déjà que l’on ne va pas vite dans le renouvellement de la production, il ne faut pas démarrer en retard.

 

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Tous les commentaires (1)
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bill et boule Le 25 juin 2024 à 05:26:04
Interview très claire et contenu sans fioriture .Ce que dit tout haut le mouvement coopératif , les organisations diverses regroupant les caves particulières le pensent tout bas. La migration du règlement amiable (confidentiel) tel que voque dans l entretien vers la procédure de sauvegarde( par essence publiée au greffe du tribunal) est un mal nécessaire. Mais sans amélioration notable , il faut déclarer la cessation de paiement et la, gare! Les magistrats des procédures collectives sont depasses par la vague qui monte ... et la décision de mise directe en liquidation judiciaire, donc sans passer hélas par les épisodes d observation inhérentes au règlement judiciaire, devient un risque réel sur ce calendaire 2024. Donc oui il y a château de cartes et les préfets le savent, tout comme le ministre actuel . Beaucoup de viticulteurs sont déçus par ce qu ils ressentent comme un abandon de la filière par les pouvoirs publics .Les promesses faites à l ouverture du SIA à Paris début 2024 sont largement restées lettre morte et c est ce qui frustre le terrain.Qui peut s en étonner ?
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