’annonce surprise de la dissolution de l’Assemblée nationale ajoute-t-elle du flou au flou pour une filière en demande de soutien d’urgence ? Sur la loi d’orientation agricole, les négociations européennes sur l’arrachage, les demandes d’aides du vignoble…
Jérôme Bauer : Il est vrai que la dissolution nous a tous pris un peu de court, mais on ne voit clairement pas ça comme une fatalité. Nous sommes dans un moment où la filière est « en plein mouvement », comme l’a récemment souligné le ministre [Marc Fesneau]. La CNAOC est clairement montée en puissance depuis le salon de l’agriculture [24 février-3 mars 2024] avec la campagne des élections européennes [ce 9 juin] et le projet de loi d’orientation agricole (PLOA). Nous comptons maintenir cette dynamique. Les demandes d’aide d’urgence au national sont déjà lancées et la balle est dans le camp du gouvernement. Nous croyons fermement dans la continuité du service public et nous veillerons à ce que le gouvernement actuel entame officiellement les négociations avec la Commission Européenne pour respecter le calendrier qui nous a été donné, à savoir un début du dispositif [de réduction du potentiel de production par arrachage] au 15 octobre. La situation politique ne devrait donc pas impacter ces dossiers.
Quels sont les dossiers que la CNAOC souhaite porter auprès des candidats aux élections législatives du 30 juin : transmission du foncier, pérennisation du TO/DE, sanction à l’encontre des friches, révision de la moyenne olympique... ? Est-ce qu’une fenêtre s’ouvre pour faire avancer ces dossiers, ou est-ce qu’il y a le risque de repartir en arrière sur des avancées précédemment actées ?
Le message à faire passer aux candidats députés nationaux reste le même que pour les eurodéputés : la viticulture d’AOC et d’IGP est un atout majeur pour la France. Avec 450 000 emplois directs et indirects, 16 milliards d’euros de chiffre d’affaires générés à l’export, nous faisons partie de la success story française et les responsables politiques doivent prendre en compte notre filière comme un interlocuteur incontournable.
Pour ce qui est des députés nouvellement élus, notre travail de sensibilisation va commencer dès le 7 juillet. Notre filière est complexe, nos sujets encore plus, il va être indispensable de faire comprendre nos enjeux aux nouveaux arrivants dans l’hémicycle.
Ensuite, il est clair que nous allons suivre l’ensemble des dossiers ouverts actuellement et préparer les nombreuses échéances à venir : reprise du PLOA, projet de loi de finances (PLF), projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS)… Les sujets européens vont commencer à être travaillés avec les députés nationaux pour que toutes nos idées puissent "infuser" dans les partis politiques. Spécifiquement sur le sujet des vignes en friches, un rendez-vous est déjà prévu avec les services du ministère de l’Agriculture et nous avons bon espoir de pouvoir aboutir avant la fin de l’année par décret !
Enfin, l’impact sur lequel nous serons évidemment attentif sera celui du groupe d’études vigne, vin et œnologie de l’Assemblée : la présidence sera-t-elle similaire ? Les membres vont-ils évoluer ? Ce groupe d’étude est un vecteur très important du travail réalisé avec les parlementaires !
La filière vin peaufine son plan de filière, est-ce pour la CNAOC l’occasion de porter un nouveau cap auprès d’un nouveau parlement ?
Il faut souligner que nous sommes l’une des seules filières à travailler sur un cap commun à travers un plan aussi riche et diversifié. Les travaux vont aboutir en juillet et il est clair que ce cap commun va nous permettre de parler d’une seule voix après des députés. Il s’agit d’abord de poser un cap entre nous, l’ambition derrière est, bien sûr, de le porter auprès de la nouvelle Assemblée. Finalement, le nouveau calendrier parlementaire pourrait coïncider avec celui de la filière.
On en oublierait que les élections européennes viennent d’avoir lieu : quels sont les messages aux eurodéputés nouvellement élus de la CNAOC ?
Les messages portés aux eurodéputés sont les mêmes que ceux que nous avons porté pendant toute la campagne : chers élus, les AOC et IGP jouent un rôle économique, social et culturel central au sein de l’Union européenne. Nos 59 000 entreprises viticoles génèrent et 92 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Nous comptons sur vous demain dans l’hémicycle pour voter une Politique Agricole Commune (PAC) ambitieuse, qui maintient les spécificités de la filière vin comme les instruments de régulation et en développe de nouveaux outils pour faire face aux aléas économiques et écologiques (mesures d’arrachage de crise, réforme assurance-récolte…). Il y a un vrai besoin aussi d’harmoniser les règles au sein du marché unique pour en finir avec la concurrence déloyale entre les producteurs des Etats-membres, mais aussi favoriser les accords de libre-échange qui sont largement bénéfiques à nos AOC et à notre filière. Pour finir, mesdames et messieurs les députés, la bataille de la modération a été gagnée ! Cessons de criminaliser les buveurs de vin avec des avertissements sanitaires et cessons de pénaliser producteurs et consommateurs avec des prix minimums à l’achat !
Plus globalement, il est essentiel d’investir les bonnes commissions au niveau du Parlement comme la COM AGRI (pour l’agriculture) et la COM ENVI (pour l’environnement), mais surtout de faire partie de l’intergroupe vin. Quant au groupe à haut niveau qui va travailler au futur de la filière viticole au niveau européen, les débats seront ouverts dès septembre 2024… et préfigureront la nouvelle PAC !