as de grêle, mais que d’eau ! Après le déluge tombé brutalement dans la nuit du samedi 8 au dimanche 9 juin, on entend parler de cumuls de précipitations dépassant allégrement les 100 mm dans le Gers. Faisant état d’un orage stationnaire de 21 heures à 1h du matin, Alain Desprats, le directeur du syndicat des Côtes de Gascogne, dessine un large triangle noyé sous les abats d’eau entre Eauze, Castelnau d'Auzan et Montréal du Gers. Sur cette dernière commune, une station a enregistré 205 mm rapporte Vincent Piquemal, le président Vignerons Indépendants de Gascogne. « 100 mm, on en a déjà vu dans le Gers. Mais 200 mm, non, de mémoire de vigneron » renchérit Alain Desprats.
Bonne nouvelle : il n’y aurait pas eu de grêlons ni de vent. Variables selon la topographie, les dégâts rapportés concerneraient essentiellement des ravinages, dans le sillon de parcelles en pente travaillées dans l’interrang, et de jeunes plants emportés par le flot d’eau. « On parle de côtes de Gascogne, ce n’est pas un terrain plat. Dans beaucoup de vignes enherbées un rang sur deux, il y a pas mal de rangées qui ont raviné. Il va y avoir besoin de travaux de réparation » pointe Alain Desprats. « Ça ravine comme pour le maïs et le tournesol » note Vincent Picquemal, qui indique que sans ravinage, l’enjeu pour les vignerons est désormais de rentrer dans leurs parcelles gorgées d’eau pour de nouveaux traitements mildiou.
Avec une cadence d’intervention soutenue (la plupart des vignerons en sont déjà à leurs septièmes ou huitièmes traitements), le mildiou reste globalement contenu, avec quelques tâches mildiou ponctuelles, sans commune mesure avec l’emballement du millésime 2023 où les fenêtres de tirs étaient quasiment inexistantes. « Un vigneron averti en vaut deux : avec l’expérience de 2023, la vigilance des vignerons était plus forte pour débuter cette campagne » rapporte Cédric Garzuel, le directeur de la cave de Condom (110 vignerons pour 1 480 ha de vignes, union Plaimont), qui relève « très peu de dégâts de mildiou comme les températures restent fraîches » mais se demande « combien de temps les vignerons auront-ils encore la capacité de traiter ? »
L’œnologue pointant de premiers problèmes de disponibilité de certaines matières, « on arrive en limite de stock », et surtout de trésorerie, dans un « contexte commercial extrêmement compliqué (trois petits rendements successifs faisant tomber la disponibilité, monter les prix et perdre des parts de marché), le budget alloué à la protection du vignoble arrive déjà au bout ». La trésorerie devient un enjeu exacerbé pour certains domaines, « on entend parler d’exploitants qui vont chercher les produits au fil de l’eau, c’est le cas de le dire » indique Joël Boueilh, président des Vignerons Coopérateurs de France. « Je ne sais pas quand et comment les choses vont lâcher, mais malheureusement des situations vont devenir inextricables. Tout fait des nœuds au cerveau aujourd’hui, il faut une sacrée volonté pour garder la tête froide et regarder demain avec optimisme » reconnaît le viticulteur de Saint-Mont (Gers).


« Il y aura des problèmes de trésorerie jusqu’à la fin de l’année, si les retiraisons restent calmes. Il n’y a pas d’argent » pointe Patrick Farbos, le président des Hauts de Montrouge (55 adhérents pour 1 250 hectares à Nogaro). Avec des traitements tous les 7 à 8 jours au lieu de 12 à 13 jours, les coûts explosent, mais il faut préserver la récolte indique le viticulteur gascon, qui applique ce précepte aux certifications environnementales. « Si on a HVE (Haute Valeur Environnementale) sans récolte, ça ne sert à rien. On ne va pas privilégier de garder HVE aujourd’hui, si on ne récolte pas demain. En sortant de plus en plus de molécules, on ne sait plus comment faire » regrette Patrick Farbos.
Si la sérénité n’est pas de mise en Gascogne, une inquiétude demeure sur l’impact des pluies sur la fin de floraison. L’incidence sur la nouaison étant hautement incertaine, l’espoir persiste sur le maintien des rendements. Mais la menace de grêle restera présente, jusqu’aux vendanges.