’est une liqueur d’armagnac à l’orange amère, et également le cocktail gascon qui en dérive : le Pousse Rapière célèbre six décennies d’existence. Une invention de René Lassus, ancrée en Gascogne, que son actuel propriétaire, le Club des Marques, filiale du groupe coopératif Vivadour, veut exporter bien au-delà de son terroir d’origine en présentant le cocktail comme le véritable « spritz gascon ».
« On est dans un vent de renouveau, avec une nouvelle bouteille en verre noir pour la liqueur, de plus gros moyens et des objectifs de développement mondiaux », détaille Jérôme Lassus, petit-fils de René Lassus, et responsable de l’export US et Europe au Club des Marques.
C’est à la fin des années 1940 que René Lassus rejoint le négoce en grains et en armagnac de son père, à Saint-Puy, dans le Gers. À cette époque, l’armagnac ne se vend pas très bien. Afin de se diversifier, il décide d’élaborer un blanc de blanc brut, en méthode traditionnelle, sous la marque Vin Sauvage. Une première en Gascogne.
En 1961, il acquiert le château Monluc, également situé à Saint-Puy et qui fut une des demeures de Blaise de Monluc, un capitaine gascon qui servit cinq rois de France au XVIe siècle. Toujours bouillonnant d’idées, René Lassus crée dans la foulée une liqueur d’armagnac à l’écorce d’orange amère, selon une recette gardée secrète, et le cocktail qui associe ladite liqueur et son Vin Sauvage. « Aujourd’hui, nous conseillons d’ajouter un volume de Pousse Rapière à sept volumes de Vin Sauvage », indique Jérôme Lassus.
C’est en 1963 que son grand-père dépose la désignation Pousse Rapière afin de nommer sa liqueur et son cocktail. Cet habile communicant y fait référence à la rapière, une épée longue, fine et légère, apparue au XVIe siècle, à l’époque de Blaise de Monluc. Contrairement aux lourdes épées antérieures, elle permettait d’attaquer l’adversaire de l’estoc – la pointe de l’épée – et non du tranchant. À l’époque, donc, on « poussait la rapière » vers son ennemi. Dans les années 1960, le public redécouvre cette arme au travers des films de cape et d’épée et des exploits de d’Artagnan, le plus illustre des capitaines gascons. René Lassus en tire profit.
En 2018, ses héritiers vendent le fonds de commerce au Club des Marques, mais pas le Château de Monluc. Du coup, Vivadour prend en main l’exploitation des 60 ha de vignes et vend ses produits sous la marque Monluc, désormais sans la mention « château ». Toutefois, les dégustations-ventes au château ont perduré jusqu’au 18 octobre 2023, date où ce dernier a fermé ses portes au public.
L’armagnac est désormais distillé au château Lassalle, à Gondrin, qui appartient au groupe coopératif. En cette fin octobre, les quatre alambics, posés sur leur socle de briques réfractaires, tournent à plein régime et font régner dans le chai une douce chaleur. D’ici à 2025, le Club des Marques envisage d’aménager le site et le château attenant dans l’idée d’en faire une vitrine pour ses produits, dont le Pousse Rapière. Jérôme Lassus, qui se dit « très content de travailler dans la continuité » de son aïeul, n’a qu’une hâte : que ce projet aboutisse !