a réglementation européenne modifiant l'étiquetage des vins va désormais se concrétiser rapidement pour les vinificateurs français, quel en est votre suivi ?
Emmanuelle Fourteau : Nous suivons attentivement ce sujet à l'Union des œnologues de France, cependant, sa complexité demeure, d'autant plus que certains aspects ne sont pas encore définitifs.
D’après les derniers éléments donnés par la Commission Européenne, il faut clairement indiquer "ingrédient" sur le QR Code, mais dans quelle(s) langue(s) au final ?
Le libellé à apposer sur le QR code varie selon les pays. L'Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) n'a pas encore pris de décision ferme à ce sujet, les travaux sont en cours et pourraient être prolongés. L'Union Européenne ne prend pas de position pour le moment, laissant chaque pays décider individuellement. En France, le terme utilisé est "ingrédients", tandis qu'en Allemagne, il s'agit de "ingrédients et valeurs nutritionnelles".
Pour les vins tranquilles, la nouvelle réglementation s’applique sur le millésime 2024, mais pour les effervescents dès 2023 ?
Il est à noter que la nouvelle réglementation ne s'appliquera pas aux vins tranquilles du millésime 2023 ayant achevé leur fermentation avant le 8 décembre 2023, ainsi que leurs opérations d'acidification/désacidification et d'enrichissement. En revanche, pour les vins effervescents, ils doivent avoir terminé leur fermentation et atteint une pression de plus de 3 bars après la deuxième fermentation, ce qui concerne effectivement les vins de 2023. Une dérogation a été accordée par la DGCCRF pour les vins effervescents en France pour l'année 2023, et une demande similaire est en cours pour d'autres pays comme l'Italie. Par ailleurs, il est rare que le millésime soit spécifié sur les vins effervescents.
Pour les vins européens exportés, est-ce qu’il y dérogation à l’obligation d’étiquetage des infos nutrition/ingrédients ?
En ce qui concerne les vins exportés, une dérogation était accordée jusqu'à l'écoulement des stocks d'étiquettes, cependant, pour le millésime 2024, il est probable que toutes les mentions doivent être présentes.
Est-ce qu’il y a d’autres enjeux réglementaires qui restent incertains ?
Un autre sujet en cours de discussion est la finalisation du mode de calcul de la valeur énergétique du vin.
Est-ce que cette nouvelle réglementation pourrait marquer un tournant pour l’usage des intrants œnologiques en poussant les vinificateurs à s’en passer ? Comme l’affichage du « contient des sulfites » a amplifié le développement des vins nature/sans soufre ajouté ?
Je crois que l'essor des vins produits selon la méthode nature et sans soufre ajouté, découle principalement d'une quête de naturalité.
En ce qui concerne les nouvelles réglementations, elles pourraient entraîner une diminution des intrants œnologiques, mais cela restera marginal. Ces intrants sont indispensables aux œnologues et aux œnotechniciens pour répondre aux attentes du marché et aux préférences des consommateurs en matière de goût. Les vins NoLow en sont un exemple caractéristique. De plus, cette transparence sera finalement bénéfique pour l'industrie vinicole, car l'utilisation d'intrants est en réalité très limitée, bien moins importante que dans de nombreux autres produits alimentaires.