our désalcooliser les vins, les prestataires ne manquent pas. Précurseur sur ce marché, la société Michael Paetzold propose depuis dix-neuf ans son process Alcoff, qui permet d’abaisser le degré alcoolique dans la limite de 20 % du degré initial. Il s’agit d’une osmose inverse, suivie d’une distillation du perméat pour en extraire l’alcool. Le coût varie de 5 à 20 €/hl en fonction du volume et de la distance du client par rapport au siège de l’entreprise. « La demande pour cette prestation est concentrée sur Bordeaux et le sud de la France. Elle varie en fonction des millésimes mais reste assez stable dans la durée », précise Fabrice Delaveau, le directeur général.
Pour autant, depuis la fin de l’année 2023, il observe un net engouement pour les vins faiblement alcoolisés ou sans alcool. « Beaucoup de vignerons ou d’entreprises souhaitent faire des essais. C’est dans cette optique que nous avons lancé un forfait découverte à 2 200 € qui permet de faire un test sur 10 à 30 hl. De cette manière, les vignerons peuvent découvrir ce que devient leur vin quand on le ramène à 6 ou 0 % vol. d’alcool. »
Depuis huit ans, la société Gemstab propose également la désalcoolisation partielle des vins en prestation de service. Équipée deux unités mobiles, elle utilise deux techniques couplées : l’osmose inverse, suivie d’un passage sur contacteur à membrane pour extraire l’alcool du perméat. L’opération s’effectue en continu sur des vins stabilisés, clarifiés et filtrés. Le tarif oscille entre 4 à 10 €/l d’alcool extrait.
« Il y a deux approches : certains vignerons veulent corriger le degré alcoolique de leurs vins dans la limite des 20 % autorisés – cela concerne essentiellement les rouges –, quand d’autres veulent lancer de nouvelles gammes de petit degré. Cette activité est en hausse, mais ce n’est pas non plus la ruée », indique Éric Lecoeuvre, directeur général de Gemstab.
Pour Stéphane Brière, directeur général de B & S Tech, société créée il y a cinq ans pour conseiller les vignerons dans la création de cuvées no low (peu ou pas alcoolisées), « la demande s’oriente vers les vins totalement désalcoolisés car ces produits sont simples à expliquer au consommateur ». Frédéric Chouquet-Stringer, fondateur de Zenotheque, autre société spécialisée dans le conseil aux vignerons qui souhaitent désalcooliser leurs vins, partage ce constat. « La demande la plus forte concerne les vins sans alcool. Mais je pense que quand nous aurons fait nos preuves sur le zéro degré, le marché s’ouvrira aux low-alcool », estime-t-il. Pour lui, la méthode la plus qualitative et la plus économique pour produire un vin allégé en alcool serait une désalcoolisation totale d’un vin puis son assemblage avec un vin non désalcoolisé. Mais la réglementation ne l’autorise pas.
Ces experts et opérateurs sont tous d’accord sur un point : la création et le lancement d’un vin partiellement désalcoolisé doit résulter d’une vraie réflexion marketing et s’inscrire dans une stratégie de diversification bien réfléchie. Sinon, l’expérience risque de tourner court.
Les possibilités de récupération de l’alcool extrait du vin lors du processus de désalcoolisation diffèrent selon la technologie utilisée. Le process Alcoff proposé par Michael Paetzold permet de récupérer de l’alcool entre 85 et 88 % vol. de vins désalcoolisés jusqu’à 5 à 6 % vol., Cet alcool peut ensuite être repris par les distilleries et utilisés pour l’élaboration de brandy. Il en est de même avec la distillation sous vide. En revanche, pour obtenir des vins de moins de 5 % vol. d’alcool, Michael Paetzold met en œuvre une technologie qui ne permet pas de récupérer l’alcool. Il en est de même avec la technologie utilisée par Gemstab où l’alcool extrait est dilué dans de l’eau, exogène au vin. On obtient ainsi une eau alcoolisée à 5 ou 6 % vol. qui est éliminée comme tout autre effluent de la cave. « C’est un produit qui pourrait être valorisé. Nous sommes en discussion avec la DGCCRF pour obtenir l’autorisation de transformer ce produit en boisson aromatisée », annonce Éric Lecoeuvre, directeur de Gemstab.