ublié aux éditions Nouriturfu (pour 15 €), l'essai Cher Pinard, Un goût de révolution dans nos canons de Sandrine Goeyvaerts fera peut-être grincer quelques dents, car l’autrice semble tirer un grand plaisir à prendre à rebrousse-poil toutes les conventions, pour mieux les éparpiller façon puzzle. Mais il éclairera la lanterne de ceux qui cherchent un regard politique sur cette époque chamboulée, et de l’inspiration pour imaginer le vin de demain. Qui devrait arriver très vite, car pour Sandrine Goeyvaerts, le monde du vin arrive à un « point de rupture »
« Le goût des consommateurs de vin évolue plus vite que le monde du vin », résume la caviste belge. Conséquence : soit ce petit monde bouge et accepte de faire évoluer le vin… soit « on stoppe le mouvement et le vin disparaît, comme une langue qui n’est plus utilisée et qui n’évolue plus ».
De quelle « révolution dans nos canons » parle Sandrine Goeyvaerts ? Celle liée, d’abord, au changement climatique, qui impose son rythme aux vignerons, obligés d’adapter pratiques, cépages et modèles économiques à ce nouveau paradigme. Mais la caviste évoque aussi l’évolution des attentes des consommateurs. « Les jeunes veulent des vins plus éthiques, plus écologiques, avec moins d’alcool, parce que l’alcoolisation n’a plus la même valeur pour eux. Ils veulent plus de lien à la terre. »
Déconsommation et sobriété heureuse ne sont pas oubliées, et l’autrice met en avant le boulevard qui s’ouvre aux vignerons créatifs et ouverts à l’innovation. A l’opposé de ces consommateurs en quête d’un vin en phase avec l’époque, elle décrit tout un pan du monde du vin freinant des quatre fers devant ces évolutions. « Tout le système des AOC, des classements, des hiérarchies, laisse très peu de marge aux producteurs pour évoluer.»
Dans son viseur aussi, les experts de la dégustation, sommeliers et autres critiques de vin. Un monde majoritairement « blanc, masculin, élitiste » qui défend « une forme de pouvoir, d’ascendant sur les gens » via la prescription. Par leur langage, leurs codes et leur attachement à une forme de neutralité détachée des enjeux politiques du vin, ils contribuent aussi à figer le goût… et à creuser la tombe du vin.