tes-vous plutôt cahier, fiches, tableau Excel ou logiciel dédié pour l’enregistrement de vos traitements ? Pour l’instant, tous les supports sont permis, tant que toutes les informations réglementaires sont tenues à la disposition des autorités de contrôle, pendant cinq ans. Mais au 1er janvier 2026, le registre phyto devra être dématérialisé.
Ce virage numérique n’enchante guère Sylvain Dory, viticulteur à Vauxrenard dans le Beaujolais. À 57 ans, il ne jure que par le papier. « Je note mes traitements au fur et à mesure dans un cahier, témoigne-t-il. Cela me prend quelques minutes et c’est pratique pour savoir où j’en suis, évaluer l’efficacité des traitements a posteriori. Aujourd’hui, ce n’est pas une corvée mais ça le deviendra si l’on m’oblige à tenir un registre numérique : j’y arriverai, mais j’y passerai beaucoup plus de temps. L’informatique ne me passionne pas ! » Sylvain Dory ne voit pas l’intérêt de cette nouvelle contrainte : « Je n’ai jamais rien perdu et les contrôles de traçabilité que j’ai eus se sont toujours très bien passés », assure-t-il.
En Nouvelle-Aquitaine, Angélique Neau, qui exploite des vignes avec son père à Coirac, avait aussi opté pour le cahier. « J’y note mes traitements au jour le jour, ce qui prend une dizaine de minutes, et je récapitule l’ensemble en fin d’année sur la fiche de traçabilité de la coopérative, ce qui m’occupe une bonne heure, explique-t-elle. La coopérative, justement, est en train de mettre en place un support dématérialisé pour remplacer les fiches de culture. Je suis prête à remplacer aussi mon propre cahier par un fichier informatique. Je suis de cette génération ».
Le choix d’un support n’est cependant pas qu’une question d’âge. « Il y a aussi une minorité de jeunes qui ne sont pas à l’aise avec les outils informatiques et font remplir leur registre par leur conseiller », observe Geneviève Caillard, à la chambre d’agriculture de Gironde. « Les doubles actifs utilisent encore beaucoup le papier et sont peut-être moins enclins à dématérialiser, complète Marianne Grünenvald, à la chambre d’agriculture d’Alsace. Mais les démarches environnementales incitent beaucoup de viticulteurs à passer à l’informatique, qui facilite le suivi. »
Viticulteur en Gaec à Cotignac, dans le Var, Yves Jullien est passé au numérique depuis vingt ans. La « simplicité de la saisie » et la possibilité de stocker les données indéfiniment sans risque de perte, l’ont fait opter pour un logiciel dédié. « Nous sommes trois associés avec des salariés pour exploiter 43 ha de vignes, expose-t-il. Il est pratique que chacun puisse saisir les traitements au fur et à mesure de leur réalisation, depuis n’importe quel ordinateur ou smartphone. »
C’est aussi une aide au pilotage de l’exploitation. « Le logiciel calcule le nombre de passages, les IFT…, apprécie-t-il. Nous enregistrons les traitements phytos, mais aussi les apports d’engrais et d’amendements. Cela nous prend dix minutes par intervention. Avant, nous notions absolument tout, jusqu’aux temps de travaux par cépage, mais cela prenait beaucoup de temps ! » Après avoir utilisé une solution Isagri, le Gaec s’est tourné vers l’outil MesParcelles des chambres d’agriculture, qui lui coûte moins cher (autour de 450 € par an).
« Geofolia (Isagri) n’est pas donné, mais il est tellement puissant, témoigne de son côté Yves Girard-Madoux, viticulteur à Chignin en Savoie. Je rentre toutes mes interventions et mes analyses de sols. Le logiciel recalcule les stocks de phytos au fur et à mesure des traitements effectués. Il calcule aussi les délais de rentrée dans les parcelles et émet des alertes si besoin. Il permet aussi de faire les déclarations Pac. J’ai eu un gros travail au départ pour enregistrer toutes mes parcelles. Maintenant, cela ne me prend que quelques minutes pour noter chaque intervention. Et lors des contrôles, notamment dans le cadre de HVE, je sors les documents en deux clics ! »
Pourquoi choisir ? Claire Bontemps, à Ramatuelle dans le Var, note tous ses travaux (traitements, taille, broyage…) dans un agenda papier avant de les reporter dans MesParcelles. « Le logiciel est pratique pour exporter des données : on peut éditer un calendrier de traitements sur l’année et faire des recherches par type d’intervention, juge-t-elle. Mais au quotidien, je préfère tenir un cahier : cela me prend trente secondes le soir en rentrant à la maison. Certaines interventions durent plusieurs jours : je préfère attendre la fin pour tout reporter dans le logiciel. Et le papier est rassurant : on ne craint pas de bug informatique ! »
À partir du premier janvier 2026, tous les utilisateurs professionnels de produits phytos devront tenir leur registre phyto sous forme électronique stipule le règlement (UE) n°2023/564. Ce texte n’impose pas l’utilisation d’un logiciel dédié, mais un « format lisible par une machine », précise le ministère de l’Agriculture. Il sera toujours possible d’enregistrer d’abord les données sur papier mais il faudra les convertir dans un format électronique sous trente jours. Jusqu’en 2030, les États membres peuvent prévoir un délai de conversion plus long, sachant que les traitements devront être enregistrés au format électronique au plus tard avant le 31 janvier de l’année suivant l’application. Le ministère de l’Agriculture indique qu’il « veillera à faciliter cette transition » sans plus de précisions.