menu burger
Lire la vigne en epaper Magazine
Accueil / Viticulture / "Trois passages de travail du sol feront l'affaire",  les vignerons serrent les boulons face à la crise
"Trois passages de travail du sol feront l'affaire",  les vignerons serrent les boulons face à la crise
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin

Frais de culture
"Trois passages de travail du sol feront l'affaire",  les vignerons serrent les boulons face à la crise

Face aux difficultés économiques, bien des vignerons sont contraints de faire tailler dans leurs frais de culture. Certains savent déjà qu’ils auront du mal à financer la protection de leurs vignes en cas de très forte pression. Témoignages.
Par Colette Goinère Le 22 mars 2024
article payant Article réservé aux abonnés Je m'abonne
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin
Christian Gourgourio des Vignobles Christian Gourgourio 10 route de Compostelle 33390 Plassac n'a acheté que la quantité de cuivre nécessaire, soit 3 kg de cuivre par hectare - crédit photo : Vignobles Gourgourio
M

athilde Eysseric, 30 ans, à la tête de 40 ha de vignes avec son père, à Tulette dans la Drôme, l’avoue : « Il manquera entre 50 et 70 000 € pour équilibrer nos comptes à la fin 2024. On va puiser dans nos réserves. Pour 2025, ce sera très compliqué. Je m’accroche mais je ne sais pas ce que je vais devenir. »

C’est en 2018 que Mathilde Eysseric s’installe sur la propriété familiale qui apporte sa récolte à la Cave Costebelle, la coopérative de Tulette. Pour la première fois cette année, elle serre la vis sur ses frais de culture. C’est ainsi qu’elle passe à une fertilisation 100 % chimique. Jusqu’alors, elle utilisait engrais organiques et organo-minéraux. « Les engrais chimiques nous coûtent 150 €/ha. C’est quatre fois moins cher que les organiques », indique-t-elle. De même, pour limiter le travail du sol, elle réintroduit une application d’herbicides sur le rang qui sera suivie de deux passages d’intercep, alors qu’elle en faisait jusqu’à six. Un permanent et un saisonnier travaillent sur la propriété. Il pourrait y avoir des coupes sombres.

"Nous reportons tous les investissements"

Arrêt aussi des investissements en matériel, même si le tracteur a un besoin urgent d’être remplacé. « Nous reportons tous les investissements », tranche l’exploitante.

Dans le village voisin de Bouchet, Wilson Feschet, à la tête de 20 ha, se prépare lui aussi à faire des économies. Sur 600 hl du millésime 2023 qu’il dédie au négoce, 300 hl n’ont pas encore trouvé preneur. Alors, ce viticulteur de 28 ans, serre les boulons. Il y a cinq ans, il réalisait six passages de tracteurs pour entretenir les sols. Cette année, trois devront faire l’affaire. « Cela représente une économie de 50 €/ha de gasoil et 150 €/ha si l’on compte l’usure du matériel », précise-t-il tout en reconnaissant que moins de passages signifie plus d’herbe et plus de stress hydrique pour la vigne. Économie d’engrais aussi : seules les jeunes vignes, un tiers des 20 ha, recevront un engrais organo-minéral cette année. Du côté des traitements phytos, quatre passages devront suffire, au risque de perdre de la récolte. « Financièrement, on ne pourra pas aller plus loin », explique Wilson Feschet. Seul le poste main-d’œuvre est épargné. Wilson continue d’employer l’ouvrier qui intervient 8 mois dans l’année.

La diversification encouragée

Président des jeunes agriculteurs du canton de Tulette, il encourage ses collègues à la diversification. Avec 8 ha dédiés à la culture de la grenade, des prestations pour un propriétaire de 20 ha et l’apport de 600 hl à la coop de Costebelle, il amortit les mauvais coups.

À Meynes dans le Gard, Fanette Fessy, gérante du domaine Galus, 15 ha en Costières de Nîmes, en bio depuis 2012, surveille toutes ses dépenses. Pas d’engrais ; des frais de phytos a minima. Coté personnel, le prestataire qui taillait tout le domaine, n’est intervenu que sur 3 ha cet hiver. L’époux de Fanette a taillé le reste. La viticultrice réduit aussi ses mises en bouteilles au strict nécessaire. « Au lieu de tirer 20 000 cols, on n’en fait que 10 000. On attend de les avoir vendus, avant de faire revenir l’embouteilleur. La situation est difficile », lâche-t-elle. Heureusement, elle a obtenu le gel du remboursement de ses annuités, soit 30 000 € qu’elle n’aura pas à débourser cette année.

Exit les engrais

À Sainte-Terre, en Gironde, Nathalie Escaiche, 55 ans, qui gère les vignobles Claude Escaiche, 17,5 ha en AOC Bordeaux et Bordeaux supérieur est formelle : « Si on veut une bonne récolte on ne peut pas mégoter sur les phytos. En 2023, cela nous a coûté 8 900 € TTC », déclare-t-elle. En revanche depuis quelques années déjà, ses vignes ne reçoivent plus d’engrais. Un choix : le coût est trop élevé. Mais pour cette campagne, 4 ha de vieilles vignes vont avoir des engrais organiques. « Elles ont vraiment besoin d’être nourries. On ne peut pas y échapper », souffle Nathalie Escaiche. Une dépense de 4 000 €.

La grêle a anéanti 50 % de sa récolte 2023. « Je ne peux faire aucun investissement », déplore-t-elle. Depuis 2018, elle vend 7,5 ha sur pied en vendanges fraîches. Pour les 10 ha restants, 85 % partent en vrac. Un marché compliqué. Côté personnel, malgré ses 89 ans son père est toujours actif à la vigne comme son ouvrier viticole, la soixantaine. Pas question de se passer d’eux.

Des décisions radicales

À Sainte-Eulalie, toujours en Gironde, les frais de culture ne vont pas peser lourd pour Jannick Ballion, propriétaire du château Les Bédats-Bois Montet, en AOC Bordeaux supérieur et Côtes de Bordeaux : 600 € pour les phytos et moins de 1 000 € pour les engrais organiques. Ce viticulteur a pris des décisions radicales face à une situation catastrophique : il a licencié ses salariés en mai dernier et arraché 16 ha sur les 17,5 ha que comptait sa propriété.

« Je n’ai aucun regret. Je vendais 90 % de ma récolte en vrac. Il fallait arrêter l’hémorragie, me débarrasser du vrac », explique celui qui est aussi chef de projet dans l’industrie de l’eau. Désormais, il ne lui reste que de quoi produire 6 000 cols qu’il vendra aux particuliers.

Pas plus de 3 kg de cuivre/ha

À Plassac, Christian Gourgourio à la tête du domaine de la Métairie de Monconseil, 10 ha, AOC Bourg et Blaye, veille au grain. La propriété qu’il a rachetée en 2017, en biodynamie depuis 2021, écoule 80 % en vrac. Or ses récoltes 2022 et 2023 sont toujours dans le chai. Autant dire qu’il fait très attention : « J’investis a minima ». Il n’utilise pas d’engrais. Pour les produits phytos, il n’achète que la quantité nécessaire, soit 3 kg de cuivre pour lutter contre le mildiou l’an dernier. « Un coût de 300 €/ha. On ne peut pas faire moins ». Pas question de se séparer de la salariée. « Je n’ai pas le choix. Elle est à la vigne et au chai. » Tandis que lui est sur les routes à essayer de développer le marché bouteille. Pour l’heure, il n’est que de 15 000 cols.

Vous n'êtes pas encore abonné ?

Accédez à l’intégralité des articles Vitisphere - La Vigne et suivez les actualités réglementaires et commerciales.
Profitez dès maintenant de notre offre : le premier mois pour seulement 1 € !

Je m'abonne pour 1€
Partage Twitter facebook linkedin
Tous les commentaires (2)
Le dépôt de commentaire est réservé aux titulaires d'un compte.
Rejoignez notre communauté en créant votre compte.
Vous avez un compte ? Connectez vous
augustin Le 26 mars 2024 à 11:01:20
je complète cet arrêt ou du moinsce ralentissement des travaux à la vigne peut être toléré si l exploitant est propriétaire des ses parcelles. L enjeu est tout autre s il n en est que le preneur car le bail e cours l oblige à une gestion en bon père de famille. Négliger l enrichissement des sols ou perdre le contrôle du foliaire c est engager sa responsabilité de preneur vis à vis du bailleur, lui même soucieux bien légitimement du maintien de son patrimoine . Attention donc à ma mise en place de nouveaux remèdes qui créent de nouveaux maux .
Signaler ce contenu comme inapproprié
augustin Le 23 mars 2024 à 04:54:37
bonjour Le voileux reconnaissent cette approche Face à un violent coup de vent mettre la barre la voile et le foc à contre et attendre que çà passe bien à l abri sans fatiguer le bateau ...Impossible pourtant de filer vraiment la métaphore pour une exploitation viticole .Traitée ainsi , les sols s épuisent et le végétal soouffre tout comme le palissage . Les rendements baissent et les prix de revient malgré tout reprennent leur hausse implacable . Le moral des vignerons baisse. Et côté chai lors de la vinif on devient plus frugal pour les produits et pour les heures de main d oeuvre tant pour la FA que pour la FML sans parler du soin apporté à l extraction et au boisage ni à la qualité du conditionnement et de l habillage . Rolland Thunevin ,de Renoncourt et de Bouard le savent : faire bon coûte cher et faire très très bon coute très cher. On est plus dans l agro alimentaire que dans l atelier de Modigliani ...et il est donc rare de sortir un chef d oeuvre pour une bouchée de pain.Donc oui à la frugalité mais attention au contrecoup de la déperdition de valeur au niveau parcellaire puis de commercialisation du stock. L appauvrissement de l exploitation s amorce ainsi et de la vrille ainsi amorcee il sera difficile de sortir , tous les viticulteurs le savent ou en tous cas le devinent. Au delà du vrai débat du revenu minimum de l exploitant qui fait l objet de tous les colloques actuels , il en survient un nouveau qui est la détérioration progressive du végétal en amont et du stock vin an aval, pas trop de quoi rassurer investisseurs et banquiers .Les pouvoirs publics ont su se fédérer pour les secteurs d excellence contribuant à l export ...sauront ils le faire pour la viti 24 alors que leur caisse est vide elle aussi ? Les 2 milliards de pge bpi promis pour début mai par bercy paraissent loin et bien peu par rapport à ce qui fut mis en place il y a 4 ans face au cocktail pangolin chauve souris ... Le gouvernement a le mois d avril pour revoir sa copie car les fournisseurs de gnr et leurs collègues du phyto ne pourront plus jouer très longtemps les airbags de trésorerie. Il y a du stock partout , de la propriété au négoce et du négoce aux clients b to b que ce soit gd domestique ou importateurs. Si reprise il y a, elle va bénéficier en premier aux propriétés du haut de gamme et à celles du négoce, "on verra ensuite pour les petits châteaux "nous dit on. Un ange passe ...
Signaler ce contenu comme inapproprié
vitijob.com, emploi vigne et vin
Gironde - CDD Château de La Rivière
Vaucluse - CDI PUISSANCE CAP
La lettre de la Filière
Chaque vendredi, recevez gratuitement l'essentiel de l'actualité de la planète vin.
Inscrivez-vous
Votre email professionnel est utilisé par Vitisphere et les sociétés de son groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici . Consultez notre politique de confidentialité pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits. Notre service client est à votre disposition par mail serviceclients@ngpa.fr.
Viticulture
© Vitisphere 2025 -- Tout droit réservé