e sujet des coefficients multiplicateurs agite la filière vin qui reproche aux restaurateurs de privilégier leurs marges au détriment de la consommation…
Franck Astruc : Quand on achète des vins pour son restaurant et que l’on voit les prix affichés par d’autres, on voit vite que tout cela n’a plus aucun sens. La grande majorité des restaurants mettent des prix de folie aux vins, ce que le consommateur ne peut pas se permettre. Il est compréhensible de mettre un coefficient de 3 sur le prix d’une bouteille achetée en dessous de 40 €, mais ce n’est pas possible au-dessus de 50 €. Que l’on double le prix avec la TVA incluse est acceptable, cela permet une bonne marge. Mais que l’on n’aille pas trop loin. Et les comptables peuvent dire tout ce qu’ils veulent pour que je mette plus, avec cette marge on gagne déjà de l’argent. Mais on ne massacre pas les clients. Sans aller en dessous du prix des cavistes.
C’est une position iconoclaste, alors que les prix des vins sont souvent justifiés par l’équilibre économique des restaurants…
En achetant 100 et vendant 200 €, on gagne de l’argent alors que l’on n’a rien fait. On a ouvert et mis une bouteille sur la table avec des verres. Nous ne sommes pas montés dans le tracteur pour remuer la terre, nous n’avons pas fait face à grêle, nous n’avons pas eu les problèmes de la vigne… Bien sûr que les vins de Bourgogne ont beaucoup augmenté leurs prix. Oui c’est cher, mais les vigneron font 100 % du travail. S’ils mettent une augmentation de 10 %, nous la répercutons, donc ne gueulons pas trop et réfléchissons à diminuer nos marges. Les vignerons nous vendent 100 € la bouteille, mais certains restaurants la mettent à 400 €. Ce sont eux qui tuent le business. Il faut voir sur le long terme. Mes clients achètent plus de vin et envoient d’autres clients comme nous sommes raisonnables sur les prix. Je préfère avoir une marge qui gagne des ventes, qu’un coefficient qui fait perdre de la consommation. Les restaurants ne sont pas obligés de vendre les vins à des prix stratosphériques. Avec un prix abordable, le consommateur n’achètera pas une bouteille, mais deux.
Certains vins sont spéculatifs et voient leurs prix s’envoler en Bourgogne, Bordeaux, Champagne…
Certains se disent que comme ils n’ont que six bouteilles disponibles d’un vin, ils peuvent mettre un prix haut et ça finira par se vendre. Je fais le raisonnement dans l’autre sens. Certains prennent des allocations et les font repasser dans un marché parallèle par des agents, et des marges. Il serait intéressant de pucer les belles bouteilles de vins de Bourgogne pour savoir où elles sont consommées. Je vais enfin devenir allocataire du Domaine de la Romanée Conti en 2025, après 11 ans d’attente. Je ne vendrai pas la bouteille à 20 000 €, il faut être raisonnable. Plus on vendra les vins à des prix raisonnables dans les grands restaurants, plus on redonnera une belle image aux établissements.