onnue pour être la plus grande cave de vins bio de France, la coopérative gardoise Héraclès tourne une page de 30 ans avec l’élection de son nouveau président, Jean-Philippe Julien. Aux manettes depuis 30 ans, son prédécesseur Jean-Fred Coste restera présent à la cave, comme simple apporteur, mais laisse à présent la main à une équipe dirigeante en charge de la mise en œuvre du plan stratégique à l’horizon 2030. Celui-ci vise à valoriser l’ensemble des vins bios de la cave dans 6 ans.
Âgé de 48 ans, Jean-Philippe Julien est installé depuis 24 ans, cultivant 45 ha sur la commune de Codognan. A ses côtés, les nouveaux vice-président et secrétaire Julien Delranc et Fernando Martinez l’accompagneront dans le pilotage d’un conseil d’administration qui maintient la plupart des présents déjà en place. La présentation de cette nouvelle gouvernance permet également d’introduire le plan Bio Innov’ 2030, décidé par la gouvernance d’Héraclès après plusieurs mois de réflexion interne et d’enquêtes auprès de multiples professionnels de la filière, en amont et en aval.
Lancée dans l’aventure bio depuis 1994, la cave produit annuellement 100 000hl de vins bios destinés au marché vrac, et a subi de plein fouet le brusque retournement de tendance entre offre et demande sur ce marché depuis deux ans. « Seuls 43% de nos vins ont été valorisés en bio pour le millésime 2022, nous avons été fortement exposés à cette crise du marché vrac du vin bio », développe Jean-Philippe Julien. Très liée à des opérateurs historiques de la mise en marché du vin bio, au premier rang desquels Gérard Bertrand, ou Jacques Frelin, la cave d’Héraclès n’a pas trouvé dans ces partenariats l’amplitude suffisante pour écouler l’ensemble de sa production bio. « Nos partenaires historiques ont joué le jeu, y compris des prix d’achat, mais nous devons diversifier nos marchés, nos offres, et construire une image plus forte. Ce sont les deux axes de notre plan stratégique pour 2030, pour développer l’apport de valeur pour notre production et notre territoire », synthétise le nouveau président du vignoble d’Héraclès.
L’innovation, « à la vigne, en cave, dans le fonctionnement de l’entreprise ou dans la relation client », appuie le directeur d’Héraclès Frédéric Saccoman, est au centre d’un projet qui vise à conquérir de nouveaux débouchés valorisant la production de vins bios de la cave. La présence répétée depuis 3 ans à la wine bulk fair d’Amsterdam est un exemple parmi d’autres. Mais si les vins bios sont bien identifiés par le consommateur français, il n’en va pas nécessairement de même à l’étranger. Certes, les volumes de vrac bio exportés à la cave sont passés de 2000 à 7000 hl entre 2022 et 2023, surtout sur des marchés d’Europe du nord attentifs au bio, mais comme le répète Frédéric Saccoman, « la concurrence internationale est sévère et nous ne sommes pas particulièrement attendus ». Pour valoriser son bio, la gouvernance de la cave veut donc appuyer sur le critère du ‘sustainable’ (développement durable) plus universel et plus volontiers reconnu par le consommateur étranger.
Si innovation, communication et internationalisation sont les 3 leviers de ce plan stratégique 2030, la cave d’Héraclès, déjà dotée d’un chai de premier plan depuis 2018, entend se doter des armes pour exister sur le marché export. Reconnue à l’international, la labellisation BCorp est ainsi visée pour appuyer la dimension durable et environnementale des vins bios de la cave. L’agilité et la réactivité sont également mis en exergue. « Nous avons élaboré 65 types de vins différents en 2023, dont des vins troubles ou orange lancés par Gérard Bertrand, démontrant nos capacités à ajuster notre production en phase avec les attentes de tous nos clients », défend encore Frédéric Saccoman. Un budget communication sera prochainement dégagé par le conseil d’administration de la cave pour accompagner ces nouvelles orientations car « nous conservons la direction de maintien de cet environnement autour du bio créé depuis 30 ans », ponctue Jean-Philippe Julien.
Chantre du vin orange qu’il propose déjà en 5 déclinaisons, Gérard Bertrand a agrémenté de sa présence la présentation du plan stratégique « d’une cave que je soutiens depuis 20 ans ». Le plus important négociant de vins bios du Languedoc en a profité pour dresser une liste des tendances de consommation mondiales qui permettront à Héraclès de s’imposer à l’international, non sans avoir rappelé qu’il voyait dans la marque Sud de France « le meilleur vecteur de communication pour nos vins à l’export ». Aux côtés des vins oranges donc, Gérard Bertrand a rappelé l’importance de tendre vers « des vins rouges légers et fruités, à boire frais pour correspondre aux moments de consommation populaires ». Il a également souligné la nécessité d’imposer les vins en mixologie, rappelant que « les gens vont préférer prendre deux cocktails, plus chers qu’une bouteille de vin, alors qu’on ne trouve que des offres de cocktails avec des spiritueux, jamais de vin ». En vieux routier de la filière, et du bio en particulier, le négociant-producteur narbonnais a tenu à rappeler une vérité du marché bio en guise de conclusion optimiste : « c’était beaucoup plus compliqué il y a 25 ans qu’aujourd’hui !».