’était la surprise du chef de l’État ce salon de l’Agriculture : l’objectif de « prix plancher » pour toutes les filières agricoles à l’occasion de la quatrième version de la loi Egalim, attendue d’ici l’été. Tombant juste après la condamnation de deux négociants pour prix abusivement bas à Bordeaux, cette annonce finit de mettre en ébullition la valorisation de la filière vin, jusqu’à présent placée en marge de la loi Egalim. Posant plus de questions qu’elle n’apporte de réponses à date, l’annonce présidentielle laisse ouvert le champ des possibles… Et permet de rêver à un changement de paradigme : créer un nouvel outil de pilotage de la filière centré sur la juste rémunération de tous ses opérateurs. Au cœur du mal-être agricole qui s’exprime depuis des mois, l’impossibilité de vivre de son métier pourrait trouver un prix plancher de salut… Dans les vignobles en difficultés où l’on ne parle que de cours toujours plus bas, l’envie d’y croire est forte. Mais ce beau principe théorique de marche en avant des prix n’est pas sans problèmes pratiques : comment définir un juste prix quand aucune exploitation n’a les mêmes coûts de production ? Un prix plancher peut-il devenir un prix au plancher, nivelant par le bas tout espoir de valorisation ?
Pour Egalim 4, d’intéressants débats vont devoir avoir lieu pour définir les indicateurs utilisables par les interprofessions pour piloter les prix de revient et donner des objectifs de prix. À moins que les Organisations de Producteur (OP) ne le permettent déjà, comme on le travaille à Bordeaux (où l’interprofession souhaite également être pilote dans la marche en avant des prix). Si la crise des vins rouges pousse à la créativité, on entend de nouveau les réticences de certaines AOC qui considèrent qu’un calcul comptable du coût de production ne prend pas en compte les éléments immatériels concourant à la valorisation des vins (prestige, rareté, etc.). Pour les vins premiums, la notion de transparence des coûts de production tient évidemment du repoussoir.
Correctement calibré pour les vignobles en ayant besoin, le prix plancher permettrait d’en finir avec la chasse aux petits prix qui parasitent le marché. Les petits cours servant toujours de maître étalon dans la campagne, donnant le la pour les transactions réellement au plancher, alors qu’il s’agit de commercialisation sans grand avenir au vu des chiffres de consommation. Répété depuis des années, le moins mais mieux peut se traduire par moins de volumes, mais mieux valorisés. Comme on l’entend répété dans les vignobles, une bouteille de vin vendue à moins de 3 € en grande distribution ne fait pas rêver les consommateurs… Et ne fait pas vivre son producteur, qui ne peut ni investir, ni embaucher, etc. De quoi rêver à une marge en avant à tous les échelons, par l’effet d’un rapport qualité prix plancher.