6,0 °C à l’ombre : la plus haute température jamais enregistrée en France, le 28 juin 2019 à Vérargues dans l’Hérault, due au passage d’une masse d’air brûlant en provenance du Sahara. L’INRAE et l’Institut Agro ont tiré profit de cette canicule pour évaluer « grandeur nature » comment les 250 cépages de vigne qu’ils cultivent en pot dans le vignoble expérimental Pierre-Galet à Montpellier (à quelques kilomètres de Vérargues) répondent aux températures extrêmes. A l'époque, ces plants avaient 2 ans et avaient toujours été conduits en conditions "confortables", francs de pieds, bien irrigués. Ils avaient été égrappés, et écimés à 2 mètres, avec les entrecoeurs en croissance.
D’après leurs simulations, la température à la surface des feuilles les plus éclairées a atteint 54 °C, bien au-delà de la limite thermique viable pour de nombreuses plantes. Pourtant, si certains cépages ont manifesté des dégâts très sévères, d’autres sont sortis indemnes de l’épisode caniculaire.
« Parmi les plus résistants, avec une très faible (voire nulle) proportion de feuilles touchées et des brûlures très limitées, nous avons retrouvé la magdeleine noire des Charentes (parent du merlot notamment), le gouais blanc (à l'origine de nombreux cépages actuels), la mondeuse blanche (parent de la syrah), le savagnin blanc, le poulsard, le touriga nacional, le bacchus, le vermentino nero, le montepulciano, le muscat d’Alexandrie (raisin de cuve et de table), l’ohanes et le chaouch (deux variétés de raisin de table) » liste Florent Pantin, écophysiologiste à l’Institut Agro.
A l’inverse, la clairette, le carignan, le morrastel, le sémillion, l’ugni blanc, le dureza, et l’arvine ont subi de gros dégâts.
Devant ce constat, les scientifiques ont développé une approche de « génétique d’association ». En croisant les mesures de symptômes avec les informations disponibles sur la diversité des cépages et de leur génotype, ils ont trouvé six régions du génome impliquées dans les réponses au stress thermique.
« Nous avons identifié des groupes de gènes dans ces régions mais nous ne savons pas encore si seul l’un d’entre eux est important, ou s’ils agissent de concert. Ces gènes sont corrélés à la gestion du stress oxydant (lié à la production de molécules qui déstabilisent les cellules de la plante) et à la signalisation activée aux fortes températures, mais étonnamment, pas la transpiration, alors que cette dernière pourrait avoir abaissé la température de surface de presque 5 °C » continue Florent Pantin. Le chercheur pense que cela pourrait s’expliquer par le compromis entre le besoin en eau pour le refroidissement de la plante et la disponibilité en eau dans le sol. En effet, les canicules sont souvent couplées à des épisodes de sécheresse, et le maintien de l’eau dans le sol et au sein de la plante est tout aussi crucial que la régulation de la température de la plante pour assurer son intégrité.
Quoiqu’il en soit, ces résultats permettent d’envisager un progrès majeur dans l’amélioration variétale en viticulture, et peut-être sur d’autres espèces cultivées. « Une solution à combiner avec d’autres leviers agronomiques pour adapter nos cultures au changement climatique » anticipe Florent Pantin.
L'intégralité de l'étude est parue dans The New Phytologist.