Michel Bernard : Nous avons créé l’Association des Grands Concours Vinicoles Français parce que nous étions quelques-uns à être agacés par les attaques adressées à l’encontre des concours et de leurs récompenses. Des critiques sur des « médailles en chocolat » à des accusations plus graves comme celle de l’émission que vous évoquez. Je n’ai pas de jugement sur les autres concours. Il est trop facile de prendre un couac pour dire que tout l’orchestre n’est pas bon. Pour notre part, l’association a établi un certain nombre de règles. Chaque échantillon est prélevé à la propriété par l’un de nos agents. Pas question qu’un candidat achète un grand cru et le passe sous son étiquette pour avoir une médaille : ce n’est pas possible.
Nous avons aussi des règles strictes d’anonymat des échantillons, d’interdiction d’avoir des jurés proches d’un candidat… Même si l’on ne manque pas d’histoires de vignerons ayant descendu leur vin parmi 10 à 15 échantillons. Nous obligeons à la rédaction de commentaires de dégustation qui peuvent être demandés par les candidats. C’est un outil majeur pour contrôler l’efficience gustative de nos jurés : il nous est arrivé de ne plus rappeler un dégustateur qui avait des lacunes. Le seul objectif d’un concours est que chaque vin primé soit digne de l’être. Nous nous efforçons qu’aucun consommateur ayant choisi un vin médaillé ne puisse être déçu.
Dans les concours, la limite des 30 % de médaille semble parfois moins être un plafond réglementaire qu’un taux de réussite de base…
Nous nous efforçons de rester en conformité avec les préconisations de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Nous sommes plutôt autour de 25 % pour l’AGCVF. Il est important de retenir un chiffre. Avec 25 % des vins présentés qui reçoivent une médaille, on a calculé au concours d’Orange (que je préside) que pour l’appellation des Côtes du Rhône cela représentait 5 à 7 % des volumes de vins récoltés sur l’AOC en moyenne. On ne peut pas dire que médailler 5 à 7 % d’une récolte soit scandaleux.
Un autre enjeu important pour un concours, et l’on n’en parle jamais, c’est que les médailles sont stimulantes et éducatives. Tous les vins ne peuvent pas être dégustés par les grands critiques qui comptent (Jeb Dunnuck, Jancis Robinson…). Participer à un concoursp permet de savoir si la direction qualitative prise est la bonne. D’où l’importance d’exiger des fiches avec les commentaies de dégustation afin d’informer les vinificateurs.
Comment aider le consommateur à s’y retrouver dans la jungle des médailles, qui n’affichent pas toutes le même niveau de contraintes ?
C’est notre problème. C’est pour ça que nous avons créé l’AGCVF afin de défendre et valoriser nos procédures et méthodes. Certains ont la facilité de dire qu’un concours décerne des médailles en chocolat, comme si six vignerons se retrouvaient autour d’un saucisson et d’un pain pour dire qui produit le meilleur vin. On peut oublier de médailler un vin qui l’aurait mérité. Mais on ne peut pas médailler un vin qui ne le devrait pas. Au concours d’Orange, il nous est arrivé de dénoncer des lots qui utilisaient une médaille alors qu’il ne s’agissait pas du même vin que l’échantillon dégusté (nous gardons une bouteille de référence et réalisons des contrôles aléatoires).