es professionnels vitivinicoles argentins, qui mettaient beaucoup d’espoir dans l’élection de Javier Milei à la présidence, auront vite déchanté. « L’avis général au sein de la filière, c’est que cette élection est une bonne nouvelle », se réjouissait Eneas Riquelme, directeur vrac et export auprès du groupement coopératif argentin Fecovita, qui réunit 29 caves coopératives pour 5 000 producteurs et 25 000 hectares de vignes. S’exprimant à l’occasion de la World Bulk Wine Exhibition à Amsterdam le 20 novembre, au lendemain du deuxième tour des élections, l’exportateur affirmait que « 2024 se présente sous de meilleurs auspices que 2023 ».
Pas si sûr. Certes, l’année dernière, la filière a dû faire face à un taux d’inflation supérieur à 200%, ainsi qu’à une consommation domestique et à des exportations en berne. La baisse de compétitivité des vins argentins ces dernières années s’est soldée par un recul de 30% des exportations en 2023. Outre la flambée des coûts liée à l’inflation, les professionnels déplorent l’absence d’accords commerciaux, qui les a fortement pénalisés sur les marchés mondiaux par rapport à leurs voisins chiliens.
Mais si payer des droits de douane pour entrer sur les marchés représente un défi majeur pour les exportateurs argentins, s’acquitter d’une taxe de 8% pour pouvoir quitter le pays les laisse pantois. Comme le fait remarquer l’organisme professionnel Bodegas de Argentina, qui réunit plus de 250 caves et entreprises du secteur vitivinicole national représentant 90% des exportations et 70% du marché national, non seulement la compétitivité des vins argentins à l’export s’en trouverait de nouveau dégradée, mais la mesure ne rapporterait que « 60 millions de dollars aux coffres de l’Etat, ce qui constitue à peine 0,005% des dépenses publiques ».


Les professionnels font valoir le fait qu’il faudrait chercher, au contraire, à faire entrer des devises étrangères dont le pays a tant besoin. Si la dévaluation de moitié du peso, autre mesure phare du nouveau président en décembre, favorisera les exportations, le secteur dénonce une taxe qui correspond à « un mois complet de recettes à l’exportation, un tiers du montant que les caves investissent pour l’emploi des personnes, et un quart des achats de matières premières et d’intrants ». Déplorant le fait « qu’aucun pays au monde ne taxe ceux qui exportent », Bodegas de Argentina implore l’Etat de faire preuve de « sensibilité et de compréhension afin… d’éviter les conséquences dévastatrices que cette mesure pourrait entraîner ». Des conséquences qui pourraient être exacerbées par une récolte normale d’ici quelques semaines. Fin 2023, les professionnels argentins envisageaient une production 2024 moyenne, sachant que même après la très petite récolte de 2023 (8,8 Mhl, -23%), aucun problème de disponibilité n’était constaté.