pécialiste des maladies du bois et jeune retraité de l’Inrae de Bordeaux ayant passé le relai en septembre dernier à Chloé Delmas, Pascal Lecomte se souvient que « les recherches sur l'esca ont véritablement commencé en France dans le laboratoire de Bernadette Dubos à la Station Inra de pathologie de Bordeaux avec la thèse de Philippe Larignon soutenue en 1991 ».
A cette époque, Pascal Lecomte travaille sur le feu bactérien du pommier et du poirier dans le Maine-et-Loire. « Je suis arrivée à Bordeaux en 1996 avec l’intention d’être utile à la profession viticole tout en continuer à servir la communauté scientifique » explique-t-il.
En 1999, la synthèse de l’italienne Laura Mugnai va faire exploser les publications sur l’esca. Pendant trois décennies, aidé par ses confrères et plusieurs réseaux d’observations, à Cognac et sur tout le territoire, Pascal Lecomte a largement contribué à l’amélioration des connaissances sur la maladie.
« Dans les années 2000, nous avons par exemple mis en évidence l’évolution des symptômes foliaires de l’esca au cours de l’été. A partir de 2010, en parallèle des actions conduites par le Plan national dépérissement vignoble (PNDV), les travaux menés sur le mode de conduite ou de taille ont permis à la filière viticole de comprendre la nécessité de revisiter l'itinéraire vigne, de la conception des plants à la taille d'entretien, en passant par la plantation et la taille de formation, liste l’ancien ingénieur. Le programme « GTDFree » ayant permis de trouver de faire émerger des alternatifs à l’arsenite de sodium, comme le curetage ».


Pascal Lecomte rappelle que l’esca est une maladie multifactorielle. « L’interdiction de l’arsenite de sodium en 2001 est loin d’être l’unique responsable de sa recrudescence » assure-t-il. Il rappelle à ce sujet que la substance n’était utilisée que dans les vignobles vigoureux aux cépages sensibles (notamment à Cognac et dans le Gers) et aux pratiques de taille trop mutilantes. « Or l’esca a progressé partout, même en Allemagne et en Suisse, où elle n’a jamais été utilisée ».
L’installation de la maladie a également été favorisé par le changement de mode de taille de certains viticulteurs lors de la généralisation du sécateur électrique. « Beaucoup sont passés du guyot double au guyot simple en coupant en désorganisant les trajets de sève et en coupant souvent trop près du tronc » poursuit Pascal Lacombe.
A côté du manque de formation des tailleurs, la maladie a profité du changement climatique. « Même si elle inhibe les symptômes en année N, en pénalisant la croissance des jeunes plants, la sécheresse favorise la progression du champignon et le développement des nécroses lors des années suivantes » indique-t-il.
L’ancien chercheur pointe finalement du doigt la dégradation de la qualité des plants de vigne dans les années 1990 avec l’augmentation de la demande à l’échelle mondiale. « Pour honorer leurs commandes, les pépiniéristes ont moins bien trié leurs plants. Ils ont aussi développé la vente de plants en pot en juillet. Au bout de trois ans, les viticulteurs se sont retrouvés avec des vignes chétives, beaucoup plus sensibles au parasite » explique le chercheur, rassuré de voir que les plantations racines nues au printemps ont largement repris le dessus.
Ayant passé sa carrière à diffuser une « vision agronomique de la maladie », Pascal Lecomte rappelle une fois encore que « les viticulteurs ont les moyens de réduire l’impact de la maladie en adoptant de bonnes pratiques ».