l n’y a pas que la vigne à tailler cette fin d’année : avec le développement de la vitiforesterie, les vignerons doivent aussi entretenir leurs arbres champêtres* en ne les laissant pas pousser de manière anarchique plaide Benoît Vinet, du domaine Emile Grelier (17 hectares de vignes pour 1 000 arbres à Lapouyade, Gironde). Partisan de la taille en trogne des arbres, le vigneron bordelais défend un outil complétant « les méthodes de culture pour un sol vivant. L’arbre a plus impact sur la matière organique qu’un semis » avec son retour annuel de biomasse à la parcelle avance Benoît Vinet, qui rapporte également l’« intérêt de la trogne pour la biodiversité. Les arbres se creusent, deviennent de véritables réservoirs à insectes, oiseaux, chauves-souris et même vers de terre. Ce n’est pas la même chose quand les arbres ne sont pas taillés. Et avec la repousse des arbres, le bilan carbone est positif. »
La trogne permet également de contrôler l’impact sur la lumière de l’arbre indique Benoît Vinet : « quand on a des arbres trop touffus, l’ombre est trop dense. Et si la vigne n’a pas son taux d’ensoleillement, on observe des problématiques d’induction florale. La vigne produit moins de grappes, voire pas du tout. En coupant la tête en hauteur, l’ombre se déplace plus vite que si elle était basse, ce qui réduit l’impact sur la vigne. » Ou du moins permet de le maîtriser. Car le vigneron bordelais pousse toujours plus loin le curseur de l’agroforesterie, avec 12 ha de parcelles viticoles accueillant des arbres, allant de 30-40 arbres/hectare à 70 à 80 arbres/ha, avec le projet de planter une parcelle de vignes à 250 arbres/ha en 2025 : « comme une micro-forêt, pour aller au-delà de l’effet sur la biodiversité et avoir un impact climatique ».


Face au développement des arbres dans le vignoble, « ce qui me surprend le plus, c’est que ceux qui s’y mettent y vont de manière impressionnante : il y a un enthousiasme qui surprend » témoigne Dominique Mansion, conférencier et auteur d’ouvrages de référence sur les trognes (dont il assure les illustrations, étant artiste). Ayant organisé une formation sur la taille en trogne cette fin novembre, Dominique Mansion rappelle aux vignerons que « l’arbre dans le vignoble est une pratique extrêmement ancienne. Des vignes grimpaient sur les arbres (comme on le voit encore dans certaines zones d’Italie, du Portugal…). Les principaux atouts sont un retour de biomasse et la gestion de l’impact du soleil sur la vigne. L’apport à la biodiversité est la cerise sur le gâteau : la taille en trogne accélère le phénomène de cavité et de vieillissement du tronc, accueillant des chauves-souris, des insectes pollinisateurs, des rapaces nocturnes… Les arbres jouent un rôle de nichoir. » Et les arbres pourraient jouer un rôle dans l’adaptation viticole au changement climatique. « On parle de réchauffement climatique, ce sont plutôt des à-coups et des excès climatiques. L’arbre peut être amené à les tempérer » esquisse Dominique Mansion.
« Autrefois appelé l’arbre paysan, qu’on ne trouve plus qu’en ville, la trogne était partie intégrante des fermes » ajoute Benoît Vinet, qui redéveloppe également le « plessage des haies. On sectionne les branches et on les couche sur les arbustes. Cela permet d’empêcher le passage de sangliers. » Le surplessage permet de constituer une « clôture dense et efficace pour répondre aux enjeux des chevreuils voire des sangliers » confirme Dominique Mansion, qui voit toujours plus d’arbres dans le vignoble : « pour l’instant c’est minoritaire, mais ça bouge beaucoup. J’ai beaucoup de sollicitations pour planter des arbres, former à la taille des trognes et au plessage. »
* : Pour les arbres fruitiers, il suffit d’éclaircir et conserver des branches pour avoir des fruit l’année suivante explique Benoît Vinet.