eux ministres se sont rendu au salon des vignerons indépendants à la Porte de Versailles à Paris ce vendredi premier décembre. D’abord Olivia Grégoire, chargée des PME et du commerce, puis Marc Fesneau, pour l'Agriculture. C’est à la première que les vignerons ont fait part de leurs doléances, échangeant des propos plus banals avec le second, qui venait tout juste de visiter le Sitevi et de s'engager sur de nouveaux soutiens à la filière (arrachage temporaire et trésoreries).
10h45. Première halte pour Olivia Grégoire. Emmenés par Jean-Marie Fabre, le président des vignerons indépendants, la ministre et ses conseillers s’arrêtent au stand du domaine des Homs, une exploitation de Rieux Minervois dans l’Aude. Jean-Marc de Crozals subit de petites récoltes et la hausse des coûts de production. Mais il veut aller de l’avant. « On fait 30 % de notre chiffre d’affaire à l’export. C’est un créneau qu’on veut développer. Il nous faut de l’oxygène pour cela », dit-il.


Olivia Grégoire répond en vantant les mérites de Business France et du plan Osez l’export. « L’idée c’est d’embarquer des producteurs avec Business France qui prend en charge une partie des frais », assure-t-elle.
Jean-Marc de Crozals poursuit son histoire. « J’ai autant de problèmes de trésorerie qu’il y a 20 ans lorsque je me suis lancé dans la bouteille. Je suis revenu en arrière. Aujourd’hui, pour avoir des bouteilles, il faut payer à la commande. Avant, on avait des délais de paiement de 60 à 120 jours », dit-il.
A côté de lui, Emmanuel Poulet, vigneron dans le Diois, traverse aussi des difficultés. Durant le covid, il a dû prendre un Prêt Garanti par l'Etat (PGE), un prêt qu’il peine à rembourser désormais.
Puis Régis Falxa, président des vignerons indépendants de Gironde, explique son cas. Coincé entre la baisse des ventes et la hausse des coûts de production, il a besoin d’une restructuration de sa dette. Les banques tardent à lui répondre. « Les stocks et le patrimoine que nous avons hypothéqués perdent de la valeur avec la chute du marché, rapporte-t-il. Cela fait deux mois que nous attendons une réponse et on nous dit qu’on l’aura dans trois mois. Ce n’est pas possible. »
Olivia Grégoire se tourne vers Yannick Sala, son conseiller au rebond des entreprises, pour lui demander des cartes de visite et en remet une à chacun des trois vignerons avec lesquels elle vient d’échanger. « Ne la perdez pas », leur recommande-t-elle assurant que son cabinet accompagne « les cas individuels ».
Déjà la petite délégation repart. Direction le stand du domaine Lalaurie où Audrey Lalaurie, en charge des ventes, accueille la ministre. « Nous produisons 350 000 cols par an et en exportons 80 à 85 %. Nous faisons des vins adaptés à l’export », explique-t-elle.
Olivia Grégoire : « c’est quoi des vins adaptés à l’export ? »
Audrey Lalaurie : « On beaucoup de monocépages pour les marchés anglo-saxons et on adapte les étiquettes. » Reste que la taxe Trump a ruiné ses débouchés aux Etats-Unis.
Olivia Grégoire : « Vous travaillez avec Business France ? »
Audrey Lalaurie : « On essaie, mais on ne peut pas. On est trop petit. »
Au tour de Philippe Bourrier, propriétaire du château de l’Ou de s’exprimer. Pour sa part, Olivia Grégoire plonge dans son téléphone et se met à écrire. Philippe Bourrier déroule : « les aides à l’export, il faut qu’elles soient versées rapidement. Quand on revient d’une mission ou d’un salon à l’étranger, on dit ce qu’on a dépensé et on a un retour. Bien sûr il faut des contrôles, mais il faut que ce soit rapide et simple. »


Olivia Grégoire continue de textoter. Serait-elle ailleurs ? Jean-Marie Fabre tente de capter son attention. « Il faudrait créer un ambassadeur des vins français à travers le monde comme il existe un ambassadeur de la haute gastronomie », avance-t-il.
Soudain Olivia Grégoire relève la tête. « Je demande une pause, lance-t-elle. J’envoie un message à Business France pour leur dire qu’il faut que quelqu’un vienne sur votre salon ! » On apprendra par la suite que le directeur est à l’étranger.


Son texto terminé, la ministre annonce : « j’ai deux choses qu’il faut que je vous dise. La fédération française de la haute gastronomie est en train de se créer sur le modèle de la fédération française de la haute couture. Je vous invite à vous mettre en lien avec eux. Et le 11 janvier, il y a aura une réunion Choose France à Chantilly sur le tourisme pour inviter les investisseurs internationaux à investir dans le tourisme en France. Parlez à Laétitia [Tabet, la conseillère tourisme de la ministre] pour vous embarquer dans ce projet. Donnez-moi des projets. »
Troisième et dernier arrêt au stand de la Fontaine du clos. Ici Céline Barnier, cogérante, explique qu’elle a conçu un « safari viticole » qui emmène les œnotouristes dans les vignes et chez des artisans locaux pour leur faire découvrir des caillettes et autres fougasses. Olivia Grégoire attrape le flyer et nous le tend. « C’est intéressant, n’est-ce pas ? ».


Puis Bertrand Couly, vigneron à Chinon, présente son escape game et Catherine Fritz, une Alsacienne d’Ottrott, l’opération vigneron d’un jour inventée par le vignerons indépendants d’Alsace. « Et personne ne me parle de main d’œuvre ? » demande la ministre.
Jean-Marie Fabre : « on aborde ça avec Olivier Dussopt, mais on a du mal ».
« Il y a plein d’irritants », lance Olivia Grégoire que l’on sent prête à se mêler d’un sujet qui n’est pas dans ses attributions. La ministre s’est récemment rendue en Champagne où on lui a parlé de l’interdiction d’héberger un couple de vendangeur dans la même chambre ou de l’interdiction pour des vendangeurs de venir avec leur repas. « On n’a pas besoin de règles à la Kafka. »
Dernier arrêt au stand du château bordelais Morlan-Tuilière où Florent Simonneau, le gérant, plaide pour un prix d’achat minimum du vin. Olivia Grégoire ne dit rien, mais avec elle, il est mal tombé : la veille elle s’est opposée à un amendement de La France Insoumise visant à encadrer les marges de la grande distribution dénonçant une mesure qui rappelle « Cuba ou l'Union soviétique avec les succès que nous leur connaissons » rapporte BFM.