i les assureurs ont fait faux bond aux vignerons mis sous forte pression mildiou ce millésime, l’Assemblée Nationale vient d'adopter à l’unanimité des 122 députés ayant voté ce 8 novembre un amendement « pour accompagner les viticulteurs les plus en difficulté de trésorerie suite à l’épisode de mildiou » (très fort en Dordogne, Gironde, Gers…) avec « la mise en œuvre d’un fonds d’urgence sous régime de minimis à hauteur de 20 millions d’euros ». Portée par le rapporteur de la commission des Finances, le député Jean-René Cazeneuve (Gers, Renaissance), cette proposition surprise (déposée le 8 novembre) veut créer une aide via le dispositif de « compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt » dans le Projet de Loi de Finances pour 2024 (PLF 2024). Concrètement, « cet outil permettra de verser une aide dans la limite du plafond de minimis de 20 000 € sur trois années glissantes » précise l’amendement adopté.
Ayant « surpris un peu tout le monde » dans l’hémicycle, cet amendement a reçu l’avis favorable du gouvernement : il sera repris dans le projet de loi après le déclenchement de l’article 49.3 de la Constitution par le gouvernement annonce Pascal Lavergne, député de la Gironde (Renaissance), ayant signé l’amendement comme nombre de députés viticoles. Alors que les vignerons, même assurés, se sentent bien seul face aux conséquences économiques du mildiou, cet amendement « est une petite victoire » résume Stéphane Gabard, président du syndicat des Bordeaux et Bordeaux Supérieur, qui reconnaît que le dispositif « est loin d’être parfait », alors que la filière vin demandait 60 millions € d’aides et que le dispositif retenu s’inscrit dans le régime des minimis agricoles : un crédit européen plafonné à 20 000 € sur trois ans, alors que de récentes aides agricoles y font appel.
« Pour les exploitations les plus touchées, on risque rapidement d’atteindre ce plafond » avertit Stéphane Gabard, citant l’outil de transformation des Prêts Garantis par l’État (PGE) en prêts bonifiés à 2,5 %. Le fonds d’urgence « n’est peut-être pas suffisant, mais c’est une reconnaissance de la remontée parlementaire de la souffrance des viticulteurs dans une période extrêmement compliquée budgétairement et politiquement (avec des difficultés pour travailler de manière collective et constructive avec les oppositions) » souligne Pascal Lavergne, le vice-président du groupe d'études vigne, vin et œnologie de l’Assemblée Nationale, qui espère que l’outil « permette de peut-être sauver certaines situations en difficulté ».


Sur le terrain, les dégâts de mildiou sont très hétérogènes. A Bordeaux, « ceux touchés le sont beaucoup (avec parfois 0 récolte), alors que s’en sont mieux sortis ceux aux stratégies de protection plus traditionnelles ou aux terroirs moins pluvieux/plus ventilés » témoigne Stéphane Gabard, rapportant que, d’après un récent sondage représentatif des opérateurs girondins, le rendement moyen s’annonce particulièrement bas. En AOC Bordeaux rouge, le millésime 2023 atteindrait « 1 à 1,1 million d’hectolitres de vin avec l’impact du mildiou et la baisse des surfaces revendiquées (passant sous la barre des 30 000 ha, quand elles étaient de 33 000 ha en 2022) » pour une prévision de « récolte la plus basse des dix dernières années, voire de l’histoire récente » avance le vigneron de Galgon, qui remonte de mémoire à 1991 pour un volume équivalent. Avec quasiment une réduction de 500 000 hl en stock, le président de l’AOC Bordeaux reste cependant réaliste : « on ne va pas surabonder le marché, mais on ne va pas non plus le tendre ».
N’ayant pas été traitée dans cet amendement, la question d’une aide aux vignobles touchés par la forte sécheresse qui décime les vignes du Languedoc-Roussillon (Aude, Hérault et Pyrénées Orientales) reste portée par des représentants de la filière auprès du ministère de l’Agriculture (travaillant de possibles propositions en ce sens). « Je salue l’adoption de ce fonds d’urgence qui répond à des besoins exprimés. Si dans l’exposé des motifs seul le mildiou est cité, il ne doit pas être exclusif. La sécheresse et la grêle doivent aussi être pris en compte » réagit Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France. Pour le vigneron de Fitou (Aude), cet outil n’en sera qu’un parmi d’autres : exonérations sociales et fiscales (TFNB, MSA…), soutien aux trésoreries (avec le PGE) et aides à la transformation face au changement climatique (avec l’idée d’un vignoble pilote pour l’irrigation en Languedoc-Roussillon).