usqu'à présent très enclines à développer le label Haute Valeur Environnementale (HVE) chez leurs adhérents, les caves coopératives observent un net frein des adhésions à cette certification. Pour le président des Vignerons coopérateurs de France, Joël Boueilh, la cause est multifactorielle : durcissement du référentiel, de l’indicateur agroécologique et moindre revalorisation sur le produit final. Pour lui, cela témoigne également d’un flou dans l’orientation politique des pouvoirs publics dans le cadre de la HVE. Le premier facteur concerne le durcissement du référentiel, notamment autour de deux items particuliers : les Indicateurs de Fréquence de Traitement (IFT) et le bilan azoté.
En effet dans le premier cas, le bât blesse concernant les herbicides et la gestion des adventices. « Avec moins d’un IFT dans la campagne pour certains bassins viticoles, qui implique un usage en sous dosage, on rend la plante résistante. De plus la baisse de cet IFT rend des années humides plus compliquées à gérer. » explique Joël Boueilh. La coopération déplore que rien ne soit fait concernant le caractère exceptionnel des fréquences d'IFT.
Autre sujet de crispation : l’évaluation du nombre d’IFT. Pour définir le nouveau référentiel, les autorités ont repris la moyenne des IFT du premier référentiel. « Si l’on continue ainsi, on va se retrouver ne pouvant plus traiter. Sinon on veut quoi ? Nous faire passer en bio ? » s’interroge le porte-parole des coopérateurs. Il demande donc l’établissement d’un seuil en dessous duquel les IFT n’iront pas.
Dans le cas du bilan azoté, « lorsqu’on apporte une fertilisation on prend la dose totale d’azote apporté au sol sans tenir compte de l’azote réellement utile. Pour les engrais organiques il n’y a que 60% qui se dégrade et 40% qui ne seront pas utilisés par la plante. Cela crée un problème de reliquats non utilisés par la plante et crée un biais assez gênant. ». Jusqu’alors, il existe dans le référentiel une dérogation en cas de petite récolte justifiée par un aléa climatique. Le président des Vignerons coopérateurs attend que le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire reconnaisse la normalité de ces reliquats azotés.
Le durcissement de l’indicateur agro-écologique entraînerait un blocage dans les caves coopératives. Elles indiquent se retrouver à gérer des vignerons labellisés sur la base de l’ancien référentiel mais également ceux labellisés à partir du nouveau référentiel. « On recrute des personnes pour aider les viticulteurs à rentrer dans le référentiel, et on se retrouve à gérer des vignerons calés sur deux vitesses… » déplore Joël Boueilh, et d’ajouter « C’est difficile à gérer administrativement. Donc certaines caves coopératives veulent attendre que tout soit plus clair et cohérent avant de remettre les gaz sur les certifications. »
A l’origine, le fait d’être labellisé HVE devait être une porte d’accès au marché, pour pouvoir mieux vendre, et créer une revalorisation du produit grâce à la certifcation. Or, la revalorisation n’est pas suffisante pour le président des coopérateurs. « On a des viticulteurs qui râlent car ils ont remis en cause toute la manière de fonctionner de leur entreprise sans bénéficier d’un mieux financier derrière. »
Car le problème est bien là : la performance générale en termes de vente et d’accès au marché reste bancale. C’est donc logiquement qu’à produire à perte, voire ne pas produire du tout, les engagements agroenvironnementaux passent au second plan.
La demande aux politiques publiques est, somme toute, assez simple : afin de tenir leurs positions dans des démarches agro-environnementales, leur soutien aux viticulteurs engagés en cas de coup dur ne doit pas être remis en doute. « On ne demande pas des aides à tout-va. Les dérogations ne demandent pas de sous, cela demande de la volonté politique. Pour éviter une rupture de dynamiques avec des gens qui se sont engagés, cela ne demande pas de transaction financière : cela demande de la volonté pour affirmer une orientation. Il ne faut pas oublier que ce sont eux qui ont voulu mettre en place ce label. Il faudrait qu’ils mettent les actions en place pour réaffirmer ce choix et envoyer des messages politique clairs et nets. » conclut le président des Vignerons coopérateurs.