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Les NGT dans le vignoble, un débat qui ne fait que commencer
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Innovation variétale
Les NGT dans le vignoble, un débat qui ne fait que commencer

Les NGT ou Nouvelles techniques génomiques sont actuellement en débat au niveau européen. Olivier Zekri, directeur adjoint et responsable de la recherche et du développement des pépinières Mercier, leader français des plants de vigne, partage sa vision des enjeux pour le vignoble français.
Par Julie Reux Le 29 octobre 2023
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Les NGT dans le vignoble, un débat qui ne fait que commencer
Les NGT ? 'Moi j’y crois, mais sans penser que ça va tout solutionner' réagit Olivier Zekri. - crédit photo : DR
A
vec leur laboratoire Novatech, les pépinières Mercier s’intéressent-elles aux nouvelles techniques génomiques (NGT) ?

Olivier Zekri : Oui, on travaille dessus depuis 10 ans ! Mais on n’a pas encore de plantes validées et on ne les vend pas. On a un programme de recherches visant à rendre la vigne résistante aux maladies. On part sur des hypothèses de travail, on cible par exemple le gène qui permet de réguler la taille des stomates pour réduire l’évapotranspiration, et donc le stress hydrique. C’est en tout cas l’hypothèse… Mais d’autres problèmes peuvent bien sûr surgir. On a zéro essai dans les vignes, puisque ça reste interdit en Europe. Si la réglementation proposée passe, on pourra lancer des tests en plein air en France. Pour l’instant on a plein de preuves de concept en laboratoire. Mais c’est après que ça se complique : rien n’est encore validé en dehors des conditions contrôlées, donc on ignore si la plante est vraiment résistante au stress hydrique.

 

Où en est la réglementation autour de ces techniques ?

En 2018, la Cour de Justice Européenne avait fixé un genre de moratoire, concluant que les NGT ne pouvaient pas être sorties des régulations concernant tous les OGM. Autrement dit, une quasi-interdiction. Depuis, il y a eu tout un travail assez fastidieux d’études d’impact, de rapports, des experts de tous les pays… En France, j’ai participé en tant qu’élu au rapport du CTPS (le catalogue officiel des variétés, ndlr), par exemple. Les citoyens ont aussi été interrogés, mais la plateforme en ligne était assez indigeste… Tous les lobbies se sont exprimés, bien sûr, les contre et les pour. Et tout ça a accouché en juillet 23 d’une proposition de réglementation du Parlement européen concernant les végétaux obtenus via ces NGT. Donc maintenant, ce texte va être rediscuté. Ça
va prendre entre 6 mois et trois ans, apparemment.

 

Ces techniques pourraient donc être autorisées ? Y compris pour les vignes ?

La proposition, c’est de créer deux catégories de NGT. Les NGT 2 resteraient interdites. Mais les NGT1 sortiraient de la réglementation OGM*  Cette catégorie englobe les mutations du génome auxquelles on aurait pu aboutir ‘naturellement’, via l’hybridation par exemple. Les nouveaux gènes doivent être issus du matériel génétique d’une espèce "franchissable"*. A noter aussi : tout ce qui concerne une résistance à un pesticide est interdit. Et oui, ça peut concerner la vigne, même si ça va d’abord intéresser les semenciers, les cultures annuelles et les autres cultures. Ça sera de toute façon plus long pour la vigne, puisque c’est une plante pérenne qui met du temps à croître.

 

Y’a-t-il une vraie demande dans le vignoble ?

Il n’y a pas beaucoup d’acteurs sur le sujet. Les plus avancés sont des Italiens, ils sont à fond. Je ne sais pas trop pourquoi… Ils disent qu’ils sont poussés par leurs bases, les vignerons. Les Italiens sont comme nous, attachés à l’historicité de leur cépage. Mais ces travaux sont en cours dans de nombreux pays et il est essentiel que nous ne nous fassions pas dépasser. La viticulture française se doit se donner les moyens de pouvoir choisir.

 

L’idée est de préserver vitis vinifera, en créant des clones évolués ?

Pour obtenir une modification du génome, l’autre solution, c’est l’hybridation naturelle. En termes de temps et de coûts, les deux techniques sont équivalentes, je dirais, il faut 8 à 10 ans pour sortir une nouvelle variété. Mais les hybrides ne sont pas des vitis vinifera. Et l'hybridation traditionnelle ne permet pas de chercher la résistance aux virus ou à certains stress liés au changement climatique. Les NGT permettent peut-être de viser plusieurs traits. En tout cas, en théorie, parce qu’en pratique, on ne l’a pas encore fait. Mais après, est-ce qu’on pourra encore appeler pinot et vitis vinifera une variété qui a été modifiée trois ou quatre fois ? Ce n’est pas moi qui vais le dire, mais le CTPS, qui décidera si c’est un nouveau clone de pinot, ou autre chose.

 

Quel est votre avis personnel et professionnel sur ces techniques ?

Moi, j’ai un a priori positif. Je suis un partisan de l’innovation, je pense que ça serait trop bête de ne pas tester ces solutions. Et avec nos clones, on a un peu figé cette histoire de génétique, et d’évolution naturelle, c’est un problème. Mais je ne sais pas si les NGT, ça va marcher. Les clients veulent le pied magique, mais c’est tellement multifactoriel, local ! Et le but du vigneron, c’est de faire du vin, pas juste du raisin ! Ce sont des outils, on les maîtrise de mieux en mieux, c’est vrai, donc certains s’imaginent que ça va tout résoudre. Moi, j’y crois, sans penser que ça va tout solutionner. Ça va être un débat philosophico-éthico-technique super costaud. Sans parler des querelles liées au business. Déjà, le lobby bio européen a prévenu qu’ils n’autoriseraient pas ces techniques dans leurs cahiers de charges. Ce qui est paradoxal, puisque ces techniques visent à limiter le besoin en pesticides. Bref : les NGT, on y travaille, mais on reste d’abord investis sur nos techniques d'hybridations traditionnelles. Ça va être très long.

En tant que professionnels, nous laissons les débats aux législateurs à qui nous faisons confiance. En tant que leader de la filière, nous nous faisons en sorte d’être prêt à répondre aux attentes de nos clients.

 

* : Elles ne seraient plus soumises aux règles de coexistence, imposant une analyse de risques et un étiquetage à destination du consommateur (obligatoire en NGT1), mais avec une simple procédure de notification de la part des sélectionneurs.
 
** : Les opposants aux NGT argumentent que ce transfert de gènes nécessite des supports qui sont pour leur part exogènes à la plante.
 

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Tous les commentaires (7)
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BioRev Le 31 octobre 2023 à 20:26:46
@MG. Non ça ne m'étonne pas et je partage votre opinion. c'est bien de la soumission culturelle. Soumission économique itou. La France est la grande perdante de l'UE et apparemment contente de l'être. Depuis l'euro, le déficit du commerce extérieur français ne cesse de s'aggraver. Le tourisme, l'agro-alimentaire et les produits de luxe ne donnent plus le change. La balance commerciale du vin reste toujours excédentaire mais les importations augmentent en entrée de gamme et vrac, y compris en effervescents. La grande distribution en est responsable. Elle diversifie l'offre pour essayer de contrer la baisse de la demande. En vertu de la libre circulation des biens et services en UE, aucune protection n'est possible. Le marché fait la loi et notre administration fiscale lui déroule le tapis rouge. Nous sommes de moins en moins compétitifs... et attractifs.
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MG Le 31 octobre 2023 à 08:01:11
@ BioRev : cela vous étonne que l'acronyme soit anglais ? Je pense que cela reste une soumission culturelle. L'UE continue d'émettre des documents en anglais alors qu'aucun de ces états membres ne revendiquent l'anglais comme langue officielle.
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Viti 11 Le 30 octobre 2023 à 10:33:18
Du vin OGM ! Il ne manquait plus que ça pour dégoûter les nouveaux consommateurs.
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Hype Le 29 octobre 2023 à 09:47:52
L?Europe a classé les NGT comme OGM en 2018?.Entre le changement possible d?approche règlementaire et la période nécessaire aux essais, rien sur le marché avant 2035-2040!
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Dumas Le 29 octobre 2023 à 08:53:31
En résumé, la recherche ne porte que sur ce qui restera de la production vitivinicole c'est à dire le seul qualitatif, si tant est que chacun accepte une fois pour toute de se fédérer autour de ce marché. Le libéralisme individuel ("je fais chez MOI ce que je veux") conduit inéluctablement à la mort des petits producteurs. Les marchés de niche sont d'ores et déjà occupés (Bordeaux, Bourgognes, Champagnes, Cognac, Alsace...) Les autres productions sont hors marché et, à force de combats personnels, vont disparaître, comme disparaît le vin rouge tranquille quantitatif des plaines du Languedoc sans que personne ne propose une culture de remplacement et pour lequel les pouvoirs publics ne peuvent rien sans se contredire eu égard aux projets politiques engagés (lutte contre l'alcoolisme, économie de l'eau, limitation des intrants, lutte contre les éffets climatiques...). L'avenir est sombre si on laisse ces filières sans solution immédiate et pourtant il en existe de très viables à la condition de vouloir s'engager dans cette révolution. Si on veut on peut!.
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Serge Régley Le 29 octobre 2023 à 08:11:52
Il s?agit d?un article très intéressant..!
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BioRev Le 29 octobre 2023 à 07:06:12
Déjà NGT, c'est l'acronyme anglais. ça veut tout dire. C'est avant tout du "business", de l'innovation pour avoir un avantage commercial. Les américains ont donné le "la" et toute la planète commence à jouer la même partition. C'est ça la mondialisation malheureuse, quand on ne peut plus trouver sa propre voie de peur d'être disqualifié. La standardisation techno-scientifique et culturelle. La génomique c'est compliqué. Les gènes peuvent être là, mais s'exprimer ou pas selon l'environnement. La maitrise de tous les paramètres en laboratoire est difficile à obtenir. Demander au directeur du Labo d'un grand pépiniériste s'il croit aux NGT c'est comme demander à un prêtre s'il croit en en la prière...Tout ce qu'il peut dire c'est que ça ne résoudra pas tous les problèmes...amen.
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