Pour Matthieu Audubert, chef de culture aux Vignobles Mallet-Audubert, 53 ha à Naujan-et-Postiac (33), présenter sa tondeuse intercep, c’était l’occasion de donner des idées à ses confrères. L’origine du matériel ? « Les tondeuses interceps que j’ai essayées ne me convenaient pas parce qu’elles étaient conçues pour couper de l’herbe rase alors que je laisse pousser l’herbe jusqu’à la grainaison. Il me fallait donc une tondeuse pour défricher, pas pour couper de l’herbe à peine poussée. À cette fin, on a installé des vieilles tondeuses Ferrand sur un châssis Brunet des années 1950 après les avoir modifiées », résume ce touche-à-tout, bon bricoleur.
Mais l’entreprise ne fut pas une mince affaire. « J’ai tout d’abord remplacé les lames des tondeuses par des disques de faucheuse à lames, qui s’effacent si elles rencontrent un obstacle et sont bien plus efficaces pour couper des herbes hautes. Ensuite, je les ai montées sur le châssis Brunet qui était équipé d’un système d’effacement à vérins et d’une centrale hydraulique de 40 l avec pompes immergées. Une seconde centrale de 40 l alimente les moteurs hydrauliques animant les tondeuses. Bon, c’est vrai, nous avons rencontré quelques problèmes de surchauffe dans le circuit hydraulique ! », avoue, souriant, le chef de culture. Et d’ajouter : « Nous avons donc installé un radiateur de voiture récupéré dans une casse ! Nous avons branché son système de refroidissement directement à la batterie car, branché sur la prise Cobo, il l’a fait fondre ! »
Après quelques essais, Matthieu Audubert a ajouté une prétondeuse à lames devant chaque tondeuse pour couper l’herbe à raz du pied de vigne. « Ces lames à trois dents améliorent le travail des tondeuses, indique-t-il. Concernant la stabilisation, nous avons remplacé les roues en métal par trois essieux Boggie avec six roues à pneus. Cela permet de bien épouser le sol tout en recouchant les engrais verts quand on tond ! »
Lorsqu’on lui demande si la jungle de flexibles qui se dégage de sa machine n’est pas un peu gênante pendant le travail, il répond : « C’est vrai qu’il serait préférable de faire de vrais passages de flexibles, mais je dois encore apporter des modifications à ma machine. » Autre bémol, la sensibilité de l’effacement ne se fait pas hydrauliquement : seul se règle mécaniquement l’angle des palpeurs via une petite plaque à trous.
« Le réglage pourrait être plus précis, mais celui-ci nous convient et marche bien chez nous ! », soutient le viticulteur. Cette tondeuse est prévue pour travailler dans des vignes à 2,5 m et le réglage de la largeur se fait manuellement grâce à la tuberie et la boulonnerie. On avance entre 4 et 6,5 km/h pour une tonte entre 10 et 15 cm du sol. On passe trois fois dans l’année : au printemps, en été et en automne dans tous les rangs. »
« Je n’en suis pas à mon premier jouet ! », affirme avec un grand sourire Benoît Lacoste, propriétaire du Château Reynaud Lacoste, 125 ha à Cessac (33), alors qu’il présente son portique de travail du sol sur deux rangs par passage. Nous le croyons sans peine, tant sa machine possède d’allure, jusqu’au design, très soigné ! Benoît Lacoste l’a dessinée et construite en grande partie en 2021 puis mise en service en 2022.
« J’ai commencé lorsque la dose de glyphosate applicable a diminué drastiquement, explique le viticulteur. J’avais aussi de gros problèmes de résistance de ray-grass. Il fallait que je passe au désherbage mécanique des rangs, mais sans arrêter complètement le désherbage chimique pour autant. Or, je n’étais pas équipé pour le désherbage mécanique. Si j’avais voulu utiliser le matériel du commerce avec lequel on travaille un rang par passage, il m’aurait fallu plusieurs cadres et outils, réinvestir dans un tracteur et embaucher au minimum un salarié supplémentaire. Et puis… j’aime construire ! J’ai donc imaginé ce portique pour travailler deux rangs complets. Je l’ai modélisé sur un logiciel 3D pour qu’il s’attelle sur la platine située à l’avant du tracteur. Le cahier des charges, c’était d’avoir un outil qui travaille deux rangs et que je puisse le dételer rapidement seul. »
Benoît Lacoste a dessiné intégralement le portique. Il a confié la découpe laser et le pliage de certaines pièces à un atelier spécialisé et s’est occupé des autres. Puis il a assemblé le tout. Son portique accueille des outils classiques comme des lames bineuses, des disques émotteurs ou des doigts bineurs pour travailler des vignes plantées entre 2,5 et 3 m. Lorsqu’il est équipé de lames, sa vitesse d’avancement est comprise entre 3 et 4 km/h et, chaussé de disques émotteurs, sa vitesse de croisière avoisine les 10 km/h.
« Le réglage de pression d’appui au sol, se fait depuis la cabine, ajoute le viticulteur. Des jambes télescopiques qui servent d’amortisseurs au niveau de chaque outil les poussent vers le sol pour mieux épouser le terrain et améliorer la stabilité de l’ensemble. Une boule d’azote gère cet appui. De la cabine, on gère également l’écartement pour travailler dans des vignes plantées entre 2,5 m et 3 m. Le débit hydraulique est de 42 litres. »
Benoît Lacoste assure que son portique se dételle entièrement en 8 minutes : « Il se pose sur trois pieds, ne laissant que la platine de fixation à l’avant et deux montants qui ceinturent le tracteur. Il a également fait ses preuves puisqu’il a déjà écumé entre 800 et 900 ha depuis l’année dernière. » L’outil pèse nu 1 350 kg et a été breveté à échelle nationale et européenne. Benoît Lacoste cherche un industriel pour le développer.
(prototype avec seulement 2 descentes, mais la version finale en possède bien 4)
Raphaël Bernat a dépassé le stade du bricolage pour passer à la production à plus grande échelle. Cet ancien du monde des phytos s’installe en 2005 à Mombrier, en Gironde, où il exploite un vignoble de 20 ha. De fil en aiguille, il s’intéresse au matériel de pulvé et à son amélioration pour optimiser ses traitements. En 2019, il finit par fonder un bureau d’études, Tec Pulvérisation, pour créer un prototype de pulvérisateur, accompagné par l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). Depuis cette année, cette entreprise a son usine à Denguin, près de Pau (64), pour lancer la production du pulvérisateur à flux rotationnel Aérotec.
« J’ai conçu un pulvérisateur 800 litres à jets aéroportés homologué antidérive dès lors qu’il est équipé de buses à injection d’air, explique Raphaël Bernat. On peut faire du face par face sur trois rangs complets grâce à 6 descentes équipées chacune de 4 buses placées au cœur d’un petit ventilateur demandant peu de puissance. Ils produisent un flux d’air en cône creux au départ de chaque buse pour réduire la dérive et améliorer la qualité de l’application. »
Pour vous convaincre de la pertinence de cette nouvelle conception, Raphaël Bernat fait état des essais que l’IFV a menés l’an dernier avec le prototype de son pulvé équipé de buses à jet plat. « Les résultats ont montré que le système permettait un brassage et un retournement efficace du feuillage. On dépose autant de produit sur les faces intérieures que supérieures des feuilles. Ce système permet donc d’optimiser la qualité d’application. »
Puis il enchaîne sur d’autres aspects de sa machine. « Il n’y a aucun graisseur : l’objectif était d’avoir le moins d’entretien possible à effectuer. En haut de chacune des deux rampes, un moteur hydraulique anime un système de poulies-courroies, identique à celui d’une rogneuse, pour entraîner les ventilateurs. On cherche des vitesses de rotation importantes : entre 2 800 et 3 000 rpm en pleine végétation. Chaque porte-buse est équipé d’un clapet antigoutte. Les ventilateurs stoppent leur course sans inertie quand on coupe la pulvérisation puisqu’on a une liaison entre les électrovannes pulvé (qui permettent d’ouvrir et de fermer les jets) et celles qui actionnent les moteurs. Le pulvé fonctionne en 100 % hydraulique. Bien qu’il demande peu d’énergie, j’ai installé une centrale de 70 litres à l’avant. Pourquoi ? Parce que cette centrale assure l’autonomie de la machine, évite la surchauffe de l’huile du tracteur et ramène du poids à l’avant du pulvérisateur garantissant ainsi davantage de stabilité. Pour permettre un angle de braquage à 45 degrés et stabiliser le pulvérisateur pendant le travail, nous avons pensé à installer un double essieu Boggie. Enfin, pour éviter la casse des descentes, on les a équipés d’un système d’effacement à ressort latéral et longitudinal. »
Ce pulvérisateur est utilisable de deux façons : classique pour traiter jusqu’à trois rangs par passage, mais également en semi-confiné, pour traiter deux rangs lors des trois premiers traitements en situation de faible pression de mildiou : « Par un jeu de vannes hydrauliques, on change le sens de rotation d’une partie des ventilateurs. Ceux situés d’un côté d’une rampe tournent dans un sens pour pousser l’air vers ceux du côté opposé qui tournent en sens inverse pour aspirer le flux. Des panneaux modulables sont placés en bas des rampes pour récupérer le produit et le réinjecter dans le circuit. »
L’Aérotec d’1,20 m hors-tout est adapté pour des vignes plantées entre 1,70 et 2,20 m. Sa vitesse d’avancement est estimée entre 8 et 9 km/h tout en restant sur des volumes à l’hectare aux alentours de 150 l.