David Pernet : On voit en effet dans l’année une confirmation de l’évolution climatique avec des choses rendues plus compliquées, comme le mildiou avec l’humidité du printemps, mais aussi des choses favorisées, comme le rendement potentiel très confortable pour les propriétés ayant pu déjouer le mildiou. S’il n’y avait pas eu les conditions très chaudes de la fin août à début septembre, il n’y aurait pas eu une évolution aussi favorable de la maturité sur une grande quantité de parcelles. Sachant qu’une partie, minoritaire, du vignoble a souffert de ces conditions de fin de saison.
C’est surtout la cadence qui a joué. Nous suivons beaucoup de vignobles en bio et il y avait des créneaux pour traiter. On ne mesure pas plus de pluie en fréquence ou en quantité ce millésime. On pouvait avoir de très bons résultats de protection à condition d’avoir pu augmenter la cadence et profiter des différents créneaux disponibles. En conventionnel, la majorité de la couverture phytosanitaire repose sur du cuivre et des phosphonates : on n’est plus à l’époque des phytos CMR (Cancérigènes, Mutagènes et Reprotoxiques). La virulence du mildiou est liée aux conditions climatiques. Les températures nocturnes plus élevées, les fortes hygrométries et la vigueur plus importante ont créé un terrain d’expression favorable au mildiou.
On a coché les trois étapes qui conditionnent le rendement : une fertilité élevée en nombre et en taille d’inflorescences (grâce au printemps 2022), d’excellentes conditions de floraison (du 22 mai au 10 juin) et des précipitations importantes la dernière décade de juin (avec un grossissement des baies avant la fermeture). Ces dernières pluies ont par contre achevé d’emporter la récolte pour les vignobles touchés par le mildiou. Pour les autres, le potentiel de récolte est très important malgré les conditions sèches en cours de maturation.
Ces conditions ont permis la maturation des composés phénoliques en conservant les acidités. Et d’atteindre une maturité technologique satisfaisante des raisins, même dans les situations de rendements importants.
Cette année révèle l’évolution des pratiques viticoles, avec des produits de traitement moins agressifs avec l’éviction des CMR. Ce millésime renforce l’écart entre les propriétés valorisant leurs vins sur les marchés, celles pouvant maintenir un outil de production efficient, et les autres, majoritaires, qui ont des problématiques de personnel, de finances et de matériels. Il y a un grand écart entre ceux qui ont pu protéger correctement leur récolte, avec un rendement supérieur à la moyenne, et ceux qui n’ont pas pu, et se retrouvent avec une récolte réduite à peau de chagrin.
2018 n’était pas un millésime facile. Il y a eu localement des pertes de rendements liés au mildiou, des situations climatiques communes… Le millésime 2023 est aussi riche du point de vue phénolique, équilibré avec néanmoins des degrés en moyenne un peu moindres qu’en 2018, notamment sous l’effet du rendement. Là où le mildiou ne pèse pas, le millésime 2023 a un très bon potentiel qualitatif. Ce sera un millésime de garde, avec une solide constitution.