On a une chance incroyable : dans notre jeune vie de vignerons on a retrouvé un cépage, le bouysselet blanc de Villaudric, et on l’a remis sous les feux de la rampe, annoncent avec fierté Diane et Philippe Cauvin, propriétaires du Château La Colombière à Villaudric, en Haute-Garonne, dans l’appellation Fronton. Comme tous les Frontonnais, on ne proposait que des rouges et des rosés, et on voulait produire du blanc avec un cépage local. Mais on n’en connaissait pas. »
La chance et le hasard leur donnent un coup de pouce. En 2008, ils ont l’opportunité de goûter le vin d’un voisin, Jean-Élie Brousse, qui n’est pas vigneron mais qui conserve une petite parcelle de vieux ceps. « C’était un blanc doux pétillant. L’acidité était au top, et on y décelait une certaine finesse, raconte Diane Cauvin. Après avoir dégusté son vin, nous sommes allés voir ce voisin qui nous a montré de très vieilles souches. »
Emballé, le couple contacte Olivier Yobrégat, ampélographe de l’IFV qui se rend sur place : « Il y avait sept rangs de 80 pieds d’une quinzaine de cépages différents, se souvient-il. La majorité d’entre eux ne montraient aucune trace de greffage. » Jean-Élie Brousse et son fils Henri ont alors désigné une cinquantaine de souches d’un cépage blanc que leur famille avait toujours appelé bouysselet. « C’était un cépage non référencé, rappelle Olivier Yobrégat. Sans l’attachement de la famille Brousse à ses très vieux ceps, il aurait disparu. »
Par chance, ces ceps étaient exempts de viroses. En 2009, l’IFV intègre dans plants dans ses collections de référence sous le nom de bouysselet blanc. Puis, sous l’égide du syndicat des vins de Fronton, débute la démarche d’inscription au catalogue officiel des variétés qui sera effective en 2017.
Très peu cité dans la littérature scientifique, le bouysselet s’avère être un croisement entre le savagnin et le plant de Cauzette. Il semble n’avoir connu qu’un développement local. « En 1859, il est mentionné parmi les trois cépages blancs les plus connus et les plus estimés du vignoble de Villaudric », continue Olivier Yobrégat. Il est encore mentionné dans la description du VDQS (Vins délimités de qualité supérieure) de Villaudric blanc qui a disparu après l’obtention de l’AOC Côtes du Frontonnais en 1975 pour les seuls rouges et rosés.
De leur côté, enthousiasmés, Diane et Philippe Cauvin surgreffent 2 300 pieds de négrette (0,5 ha) en juin 2010 avec des bois de la fameuse parcelle pour expérimenter eux-mêmes ce cépage. « Il donne de grands vins blancs, à haut degré alcoolique, avec une belle acidité, des arômes complexes et beaucoup de matière en bouche », souligne le couple.
Depuis, ils ont surgreffé une deuxième parcelle de 1,5 ha en 2015 puis planté 1 ha en 2021 issu de leur sélection massale privée. Dans ces vignes, ils élaborent quatre cuvées haut de gamme dont trois issues à 100 % de bouysselet. Ils commercialisent leur cuvée phare Le Grand B à 23 € TTC.
« On a la chance d’avoir un cépage local et identitaire que les autres n’ont pas. C’est notre atout. À nous vignerons de le porter en le valorisant en vin haut de gamme et de gastronomie. Il ne faut surtout pas chercher à un faire un blanc gascon très aromatique », argumentent-ils. D’ici fin 2023, une douzaine de vignerons devrait avoir planté au total 20 ha de bouysselet et le syndicat devrait déposer un dossier auprès de l’Inao pour la création d’une AOC Fronton blanc 100 % bouysselet. Une belle trajectoire pour un cépage miraculé.