elaxe mais pas relax. Blanchi par la quatrième chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux, le château Léoville las Cases repassera devant la justice pour le recours sans autorisation de travail à 8 vendangeurs étrangers du prestataire Viti Médoc en 2020. Interjetant appel ce 30 juin, le parquet estime que le grand cru classé en 1855 à Saint-Julien-de-Beychevelle doit être déclaré coupable et condamné pour avoir recouru sciemment à de la main d’œuvre en situation illicite. Soit une sanction pour le donneur d’ordre au même titre que celle appliquée au prestataire, Viti Médoc ayant écopé de 5 000 € d’amendes avec sursis. Une lecture du dossier diamétralement opposée à celle des juges, qui estiment dans leur arrêt du 26 juin que « la société château Léoville las Cases n’a pas cherché à détourner la législation sociale pour faire des économies, mais a dû faire appel à un prestataire aux fins de répondre à un besoin de main d’œuvre dans des circonstances très particulières liées à la crise sanitaire pour le travail des vendanges ».
Sur les 57 travailleurs contrôlés le 17 septembre 2020 sur les vignes de Léoville las Cazes, sept Marocains et un Algérien possédaient chacun leur carte de séjour pluriannuelle au titre de saisonnier, mais pas d’autorisation provisoire de travail nécessaire aux étrangers extra-européens. Pour les juges, Viti Médoc connaissait la procédure, ayant déjà demandé de telles autorisations par le passé. Mais pour la grand cru, la juridiction estime que « si l’élément matériel de l’infraction est caractérisé, l’élément intentionnel n’est pas démontré, la société ayant eu recours à de la prestation de service en pensant remplir ses obligations dans une situation d’urgence sanitaire ». Entre deux confinements covid, la direction du château Léoville las Cases explique avoir dû prendre un charge un recrutement d’urgence (faute des vendangeurs hispaniques habituels) et fait appel à la société Viti Médoc (jusque-là sollicitée pour des travaux hors-vendanges) en demandant des documents complémentaires qui se sont révélés insuffisants (extrait K-bis, attestation MSA des déclarations sociales et du paiement des cotisations, attestation sur l’honneur du gérant, Déclarations Préalables à l’Embauche…).
« Dans le contexte matériel particulier du covid, toutes les vérifications n’ont pas été faites par le château auprès du prestataire » reconnaît maître Carole Moret (cabinet Barthélémy avocats), qui défend le château Léoville las Cases (domaines Delon). « Le tribunal s’est attaché à savoir s’il y avait un élément intentionnel, qu’il faut caractériser pour qu’il y ait un délit du donneur d'ordre. Cela nous paraissait injuste d’être accusé » ajoute l’avocate, pointant que cette défense avait prévalu lors de la tentative de Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC). Le parquet proposant alors une amende de 15 000 €. Lors de l’audience du 12 juin dernier, le parquet avait requis 20 000 € contre le cru classé. Et la demande sanction pourrait encore augmenter devant la Cour d’Appel, le procureur estimant que l’infraction était pleinement caractérisée et que le tribunal aurait dû entrer en voie de condamnation.
Si les magistrats de première instance reconnaissent un manquement du château à son obligation de vigilance (avec un registre incomplet sur les nationalités et titres séjour), le jugement précise « cependant, force est de constater que le recours à de la prestation de service par le château Léoville las Cases s’est faite dans un contexte très particulier de crise sanitaire marquée par une incertitude concernant la fermeture des frontières et les obligations sanitaires de l’employeur bousculant ainsi les pratiques habituelles du château qui d’ordinaire recrutait directement des saisonniers venant d’Espagne ou du Portugal ».
Alors que la prestation de services se développe dans le vignoble, les suites de ce dossier vont mériter d'être suivies pour leurs implications sur le principe de devoir de vigilance du donneur d'ordre.