our la première des trois étapes de son démo-tour français, le robot slovène Slopehelper a essuyé les caprices du ciel le 22 juin à Angeac-Champagne, en Charente. La veille, un orage s’était abattu sur les vignes du domaine Boinaud pour détremper les sols. Mais il en fallait plus pour briser l’élan de Pek Automotive, le constructeur de ce chenillard autonome. Cinq représentants de l’entreprise avaient fait le voyage de Slovénie pour présenter leur robot. Pas question de rester les bras croisés.
Ce matin-là, ils attendaient avec deux machines devant une parcelle d’ugni blanc. Ces robots, d’1,6 tonne, étaient équipés l’un d’un broyeur à seize marteaux pour tondre l’interrang, et l’autre d’une épampreuse à axe horizontal et à fils. À 11 h 00, la démonstration débute. Sous surveillance de l’équipe slovène, l’épampreuse fait tourner ses fils, le broyeur ses marteaux. Le tout, en silence.
Autre fait remarquable. « Il n’y a pas d’ornières, souligne Cédric Cruzel, responsable technique et commercial viticulture et arboriculture chez Stecomat, qui distribue le robot en France. S’il fallait encore le prouver, vous pouvez observer en direct tout l’intérêt des chenilles concernant la portance, le respect des sols ! » En effet, bien que la parcelle soit détrempée, les deux robots travaillent presque sans laisser de trace.
Le Slopehelper s’inspire du robot de secourisme tout terrain Vanquisher, de Pek Automotive. Il mesure 1,60 m de large hors tout, et 2,60 m de long. S’il est compatible avec le guidage par GPS RTK, il peut se diriger tout autrement. « En Slovénie, ils font souvent face à d’épais brouillards, ce qui perturbe la réception du GPS, raconte Cédric Cruzel. Pour éviter les problèmes de guidage, Pek Automotive a pensé à un système de reconnaissance par radar et intelligence artificielle. »
Pour ce faire, il faut installer au bout de chaque rang des balises métalliques que les radars du robot vont repérer afin de situer les entrées de rangs. Une fois dans un rang, le robot se guide à l’aide de palpeurs. Pour la démonstration, deux rangs de la parcelle d’ugni blanc étaient équipés afin que les robots puissent les emprunter correctement. « Ensuite, comme vous pouvez l’observer, les palpeurs leur indiquent s’ils doivent redresser à gauche, à droite ou maintenir le cap », indique le responsable.
Slopehelper est 100 % électrique. « Aucun fluide dans la machine ! », précise Cédric Cruzel. Chaque chenille est entraînée par un moteur propre, et la plateforme sur laquelle on peut fixer une cuve corrige automatiquement le dévers et l’assiette grâce à deux moteurs et une série de capteurs.
Pek Automotive affirme disposer d’une dizaine d’outils pour la vigne (tondeuse, pulvérisateur, écimeuse…). Ici, pas de relevage trois points mais un système d’accrochage maison. « On fixe les outils sur des supports à l’avant ou à l’arrière, équipés de crochets de relevage électrique. Ensuite, on les maintient à l’aide de boulons de fixation », explique le revendeur. Tous ces outils possèdent leur propre motorisation, électrique également, alimentée par les batteries du robot. Comptez 8 heures pour recharger la machine.
Si la diversité des outils est un atout, la vitesse de progression reste très faible : le robot travail entre 1,7 et 4 km/h, selon les équipements. « Très prochainement, il travaillera au moins à 4 km/h avec la majorité des équipements », promet Cédric Cruzel. Pour l’heure, l’entreprise estime qu’un robot peut entretenir 15 hectares.
Frédérique Abhé, cheffe de projet innovation de Maison Boinaud donne sa vision des choses. « Si le robot est capable de travailler de jour comme de nuit, même à 4 km/h, on peut imaginer qu’il passe tous les dix jours dans les vignes pour les toiletter. Comme nous avons du mal à recruter, ce serait une autre manière de penser l’entretien des vignes. Pour l’instant, l’idée est d’en expérimenter un. Comme on replante chaque année 15 ha, on pourrait repenser notre vignoble en îlots de cette surface dont un robot s’occuperait. »
« Ce démo-tour sert à nous faire connaître, expose Mikhail Kostkin, PDG de Pek Automotive. C’est aussi pour nous l’occasion de recueillir les besoins des vignerons français. » Et afin d’y répondre, l’entreprise prépare un modèle pour vignes plus étroites, qu’elle prévoit de présenter lors d’Agritechnica, au début de 2024. Elle prépare aussi trois nouveaux outils : une effeuilleuse, une vendangeuse et une prétailleuse. Comptez 100 000 € pour la plateforme robotisée.
Né en 2019 à Vrhnika, en Slovénie, Pek Automotive est un fabricant de véhicules électriques autonomes et d’applications destinées à l’agriculture et au sauvetage. Pour s’implanter en Europe, il travaille avec un distributeur exclusif par pays. En France, c’est l’entreprise Stecomat qui remplit cette fonction. Basée à Layrac, dans le Lot-et-Garonne, elle importe déjà des outils de désherbage mécanique et de guidage pour le maraîchage et les grandes cultures, en exclusivité pour quelques marques.