otre sol, vous l’aimez vivant ? Alors stoppez les pratiques qui tuent, bichonnez-le et ne soyez pas trop pressés : voici, en substance et en résumé, les conseils du biologiste Marc-André Selosse aux vignerons du Beaujolais. Ils étaient plus d’une centaine le 28 juin au Château de l’Eclair (Sicarex), aux Portes des Pierres dorées, à assister aux secondes Assises de l’agroécologie en Beaujolais.
Dans le détail, le conférencier met à l’index le travail du sol, qui détruit les vers de terre et les réseaux filamenteux formés par les champignons mycorhiziens. Or une moindre mycorhization, c’est une plus forte dépendance de la vigne aux apports extérieurs. « Les bactéries ne sont pas détruites mais elles vont respirer davantage du fait de l’aération du sol, et accélérer dégradation de la matière organique (MO), poursuit le spécialiste du sol. Et moins de MO, c’est plus d’érosion. A court terme, le labour est une bonne idée puisqu’il désherbe, aère, rend poreux et remonte la fertilité. A long terme, il est un problème. » A partir de quelle profondeur de travail ces effets délétères se font-ils sentir ? « Tout travail du sol est problématique, même sur les premiers centimètres, dès qu’il y a un mouvement cisaillant », répond l’expert.
D’autres pratiques passent en revue. Le glyphosate ? « Moins pire que le labour, mais il tue les oeufs de vers de terre », lâche Marc-André Selosse. Le cuivre ? « La moins mauvaise des mauvaises nouvelles ! Ce biocide puissant est vite inerté dans les sols. Si on limite les apports, la quantité de cuivre libre, donc toxique, est faible. » Les engrais ? « Il faut privilégier les engrais organiques et réserver les apports minéraux à la correction de l’équilibre NPK », conseille-t-il encore. Le chaulage ? « Oui sur un sol qui a perdu son pouvoir tampon, pour le rebrancher sur une activité bactérienne », répond le biologiste, qui préfère globalement « des actions ponctuelles plutôt que des béquilles systématiques ».
Et pour les bonnes nouvelles ? Il y en a aussi ! « L’enherbement de l’interrang et les intercultures peuvent aider à gérer les pathogènes, fixer l’azote et optimiser le cycle de l’eau : on n’est qu’à l’aube de toutes leurs utilisations possibles, s’enthousiasme Marc-André Selosse. Un engrais vert, par ses racines, crée des connexions avec la surface qui permettent à l’eau d’infiltrer le sol. Et il apporte de la matière organique : 1 % de MO en plus, c’est 10 mm d’eau retenus dans le sol. » Crainte majeure, la concurrence hydrique est, selon lui, très liée à l’historique de la parcelle : « La vigne boit en surface si elle n’a jamais eu de concurrence, et d’autant plus si une semelle de labour fait obstacle aux racines. Une vigne qui a toujours été enherbée s’est adaptée à la concurrence en descendant s’alimenter en profondeur. »
L’intérêt de l’enherbement de l’interrang a aussi été souligné par la Sicarex, qui présentait des résultats d’essais réalisés en beaujolais entre 2016 et 2022 : des engrais verts étaient semés en interculture sur des sols granitiques ou argilo-calcaires, détruits au printemps. Bilan : davantage de biomasse microbienne et de meilleurs rendements (poids de vendange) pour les parcelles avec engrais verts. Avec un bémol : les années où le couvert se développe peu, les bénéfices sont réduits ou nuls.
Les vignerons du vivant en beaujolais, association réunissant 22 domaines viticoles, font aussi leurs propres essais avec l’appui de la Chambre d’agriculture. « Plus on le sème tôt, plus l’engrais vert sera efficace », observe Julien, en soulignant qu’il ne faut pas non plus le détruire trop tôt. « Notre principale crainte est le manque d’eau, souligne Jonathan. Dans des parcelles où on a l’impression d’avoir ramené de la vie, on voit parfois un couvert foisonnant mais une vigne qui semble peu en profiter : on soupçonne la concurrence hydrique. » Quant à aller plus loin avec un enherbement permanent y compris sous le rang, cela interroge mais intéresse. « On réfléchit à des plantes couvre-sol comme le trèfle rampant pour tapisser le rang et l’interrang », témoigne Pierre, qui voit un autre intérêt à l’enherbement permanent : « on observe que le travail du sol abîme souvent les ceps même si on pense être soigneux. »