ancée il y a un mois, le 9 mai avec les sorties des châteaux Cheval Blanc et Angélus, la campagne des primeurs 2022 de Bordeaux avance tranquillement, avec une centaine de cuvées actuellement mises en marché (soit le quart des sorties attendues). Cette première salve laisse un sentiment mitigé aux acheteurs, entre bonne presse pour la qualité des vins et prudence des marchés face aux augmentations des prix. Comme le résume la place de marché britannique Liv-Ex : « bien que la campagne n’ait pour l’instant pas rencontré un grand succès, les primeurs de Bordeaux 2022 font actuellement la une des journaux », ajoutant qu’« il semblerait déjà que les acheteurs ne soient pas très enclins à payer le prix fort pour le millésime 2022, même si celui-ci est acclamé par la critique ».
Agrégeant les critiques, la plateforme Wine Lister avance que « le millésime 2022 présente la meilleure note de qualité globale jamais enregistrée », avec une augmentation de 17 % des prix de sortie en moyenne par rapport à 2021, avec des valorisations particulièrement fortes sur Pomerol. « D'après nos sources, les augmentations au sein des "marques" les plus fortes de Bordeaux sont dans leur ensemble bien absorbées par le marché, bénéficiant du caractère exceptionnel du nouveau millésime, avec des notes élevées, et pour certaines record, tandis que celles des autres vins, notamment plus abordables, sont accueillies avec un peu moins d'enthousiasme » précise-t-on à Vitisphere. De quoi tempérer une partie de l’attrait pour ce millésime miraculé et de l’intérêt d’un achat en primeur pour certains vins confirme Liv-Ex. « Lorsque les vins de Bordeaux ont commencé à être vendus à des prix bien plus élevés que prévu (ou souhaité), le marché secondaire s'en est ressenti. Les prix ont chuté dans toutes les régions en mai, les acheteurs se retirant » indique la plateforme, dont le PDG, James Miles, ajoute : « alors que certains producteurs bordelais s’efforcent d’augmenter les prix de plus de 20 % pour les vins du millésime 2022, les prix sur le marché secondaire chutent, quelle que soit la région de provenance ; et je pense que ces deux phénomènes ne sont pas sans lien. »


Jusqu’ici épargnés par la morosité économique, le marché des grands crus ressent un coup de frein, qui serait particulièrement visible avec cette campagne des primeurs qui prendrait la en forme d’un rendez-vous manqué. « Compte tenu de la volatilité inhabituelle qui touche le marché depuis le début de l’année, il n’est pas surprenant que ses acteurs aient montré une certaine aversion au risque » analyse Liv-Ex, notant qu’avant ce printemps « le marché était déjà très prudent après une période de sept ans de hausse des prix et un environnement macroéconomique (hausse des taux d'intérêt, ralentissement de la croissance) qui coupait l'herbe sous le pied de nombreuses classes d'actifs. Les prix des vins avaient déjà commencé à dériver. »
Si les vins de Bordeaux sont au cœur des attentions en cette période des primeurs, les vins de Bourgogne témoignent des tensions du marché : si certaines cuvées voient encore leurs prix exploser, d’autres sont en repli. « Les vins de Bourgogne figurent à la fois dans les tableaux des meilleures et des moins bonnes performances » relève Liv-Ex, confirmant la fin d’un cycle.