l semble s’en être fallu de peu pour que les vins IGP ne signifient plus Indication Géographique Protégée mais Indistinction Générique de Provenance. En votant ce jeudi premier juin en séance plénière la révision du règlement sur les Indications Géographiques, le Parlement Européen a d’abord marqué son attachement à un système de protection spécifique au vin en adoptant le rapport de la Commission Agricole du Parlement Européen (Comagri). Mais les eurodéputés ont aussi souhaité maintenir le lien au terroir des vins IGP en rejetant trois amendements du rapport de la Comagri, qui auraient réussi à modifier subtilement, mais substantiellement, l’ancrage des IGP viticoles dans leurs territoires. Les amendements 264, 266 et 267 proposaient que la part obligatoire minimale de 85 % des matières premières d’origine de la zone de production ne soit plus limitée aux seuls raisins, mais étendue aux moûts et vins. De quoi craindre que des moûts et vins venant d’autres vignobles rentrent désormais dans l’assemblage d’un vin IGP, et ce en toute légalité.
Si la France impose à ses vins IGP une origine de 100 % de leurs raisins de la zone géographique délimitée, la réglementation européenne limite actuellement cette part à 85 %, les 15 % restant pouvant être originaire dans d’autres vignobles de l’État Membre de l’IG. Un élargissement aux moûts et vins aurait pu remettre en question tout le lien au terroir des vins IGP, ainsi que son modèle économique non délocalisable. Le tissu historique pouvant être mis en concurrence avec d’autres approvisionnements, potentiellement plus compétitifs. Une évolution inimaginable pour la Confédération des vins IGP de France (Vins IGP).


« Avec la mention moût et vin, on remettait en cause l’origine » résume Christelle Jacquemot, la directrice des Vins IGP, qui ne retient pas un soupir de soulagement : « nous sommes rassurés par le vote des députés européens et par la mobilisation des parlementaires français ». Techniquement, ce vote séparé des trois amendements par rapport au reste du rapport de la Comagri a été obtenue par l’eurodéputée languedocienne Irène Tolleret (groupe Renew), qui note que ces trois propositions n’avaient pas été adoptés lors des compromis de la Comagri.
« C’était une proposition de souplesse sur les IGP. Mais cette souplesse était trop importante, elle pouvait remettre en cause l’équilibre des IGP. J’ai demandé un vote séparé en plénière, le sujet étant trop important pour que seuls les 46 députés de la commission Agri l’ait voté » explique Irène Tolleret, ajoutant que « les indications géographiques ont l’avantage de développer une production locale et non délocalisable sur laquelle nous créons de la valeur ».
Le texte adopté par le Parlement Européen va désormais être discuté avec la Commission Européenne et le Conseil Européen. Démarrant ce mardi 6 juin sous présidence suédoise, les discussions du trilogue vont être suivies par la filière IGP, qui va surveiller tout retour de la proposition d’extension aux moûts et vins de la règle du 85/15. Un connaisseur des arcanes bruxelloises glisse que ces trois amendements du rapporteur du texte, Paolo de Castro eurodéputé italien (Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates), étaient non seulement soutenus par le négoce européen, intéressé par un approvisionnement élargi en IGP, mais aussi par des vignobles transalpins voyant leurs capacités de production arriver à un palier, alors qu’ils ne peuvent plus planter. Ces opérateurs seraient tentés par la possibilité d’étendre leur bassin d’approvisionnement pour répondre aux demandes du marché… Voire régulariser certains usages. Vins IGP comme vins d’Ici et de Généralement Partout ?