ublié ce mardi 30 mai au Journal Officiel de l’Union Européenne, le projet d’acte délégué de la Commission Européenne donne de nouvelles précisions sur « les règles relatives à l’indication et à la désignation des ingrédients pour les produits de la vigne » qui entreront en vigueur ce 8 décembre 2023 dans toute l’Union Européenne. Pouvant être remises en cause pendant deux mois par le Conseil et au Parlement Européen (avant que la Commission ne puisse publier cet acte délégué), ces précisions sont désormais scrutées par toute la filière européenne pour se préparer à la mise en place imminente de l’obligation d’étiquetage, physique ou numérique, des ingrédients et des informations nutritionnelles sur les étiquettes de vin. La grande question étant… Qu’est-ce que cela change ?
En résumé, « le texte apporte quelques règles supplémentaires pour simplifier/faciliter l’établissement de la liste des ingrédients (elles sont les bienvenues) » analyse Ignacio Sánchez Recarte, le secrétaire général du Comité des Entreprises Européennes du Vin (CEEV), expliquant à Vitisphere que « par contre, il reste encore beaucoup d’incertitudes. L’exclusion de la récolte 2023 (vins produits avant le 8 décembre) ne pouvait pas être traitée dans l’acte délégué. Cette problématique est en cours de discussion en parallèle. Elle reste la principale incertitude que nous avons. »


Sur cette demande de délai d’application de la nouvelle réglementation, la Commission Européenne ne dépasse pas le constat dans sa proposition d’acte délégué, notant que lors de la mise en consultation de son projet : « la grande majorité des retours d’information, pour lesquels certaines réponses types ont été utilisées, a souligné la nécessité d’une règle transitoire pour le vin produit, mais non encore étiqueté avant la date d’entrée en vigueur, afin de permettre la mise sur le marché effective de tous les stocks de vin disponibles. » Ni ouverte, ni fermée, la porte est juste décrite. Restant sur le seuil, les vins conservent leurs interrogations sur les commandes/évolutions de leurs étiquettes et les adaptations d’itinéraires techniques (pour réduire ou se passer d’additifs, comme les colles allergènes et les sulfites par le passé).
Cet acte délégué apporte bien des précisions aux modalités d’information des consommateurs, avec des avancées sur des demandes françaises de simplification. Ainsi « le terme “raisins” peut être utilisé pour remplacer l’indication des raisins et/ou des moûts de raisins utilisés comme matières premières pour la production de produits de la vigne », la Commission notant qu’« étant donné que les produits de la vigne sont toujours obtenus à partir de raisins, il convient d’autoriser l’utilisation d’un seul terme pour indiquer la matière première de base dans la liste des ingrédients, que le viticulteur ait utilisé des raisins frais ou du moût de raisins ». De même, le « terme "moût de raisins concentré" pour désigner à la fois le moût de raisins concentré et le moût de raisins concentré rectifié ».


Autre proposition française reprise, celle de limiter la multiplication des étiquettes/QR Code en anticipant les variations de listes d’ingrédients pour une cuvée ayant des mises en bouteille espacées dans le temps et, potentiellement des opérations œnologiques variables. Ce que la Commission traduit par cette autorisation : « les additifs des catégories “régulateurs d’acidité” et “agents stabilisateurs”, similaires ou substituables entre eux, peuvent être indiqués dans la liste des ingrédients en utilisant l’expression “contient... et/ou” suivie de trois additifs au maximum, dont au moins un est présent dans le produit. » Bruxelles explique que « la décision d’utiliser certains additifs est souvent prise sur place par les œnologues responsables […] à un stade tardif du processus, alors que les étiquettes sont déjà imprimées. En outre, une flexibilité de dernière minute est souvent nécessaire pour répondre aux besoins du marché vitivinicole, en fonction de la destination finale et des acheteurs du vin. »
Si la France proposait que les gaz neutres (argon, azote et dioxyde de carbone) ne soient pas étiquetés, « étant donné qu’ils se libèrent lors de l’ouverture d’une bouteille et ne sont pas consommés » comme l’explique la Direction Générale de Répression des Fraudes (DGCCRF), la Commission propose la mention « Mis en bouteille sous atmosphère protectrice » ou « Peut être mis en bouteille sous atmosphère protectrice ». Pour les liqueurs de tirage et d’expédition des vins effervescents, la mention pourra figurer seul ou accompagné de la liste des composants entre parenthèse, car « compte tenu de leurs fonctions œnologiques très spécifiques, la simple indication des composants de la liqueur de tirage et de la liqueur d’expédition en même temps que les autres ingrédients peut induire le consommateur en erreur, à moins qu’ils ne soient regroupés sous les termes spécifiques correspondants. »
À noter que lors de la phase de consultation de l’acte délégué, « une part importante du retour d’information a porté sur le renforcement de la flexibilité pour l’établissement de la liste des additifs » rapporte la Commission, qui rejette l’idée en rétorquant « que le projet offre déjà une grande souplesse, tout en fixant des limites pour éviter toute application abusive des dispositions pertinentes ». Au final, « outre l’indication des raisins, des substances utilisées pour l'édulcoration et l’enrichissement, et éventuellement de la liqueur de tirage et de la liqueur d’expédition, la liste des ingrédients doit être complétée par l’indication des additifs utilisés dans la production des produits de la vigne, ainsi que des auxiliaires technologiques susceptibles de provoquer des allergies ou des intolérances » pose l’acte délégué qui doit désormais attendre deux mois pour connaître son avenir.