i la filière vin est habituée aux chais, elle a moins l’habitude du "cheh !" Un terme d’argot que l’on peut traduire par "tu l’as bien cherché !" Un jugement de valeur que l’on peut entendre parmi les opérateurs vitivinicoles, de la part de certains se jugeant sages fourmis à l’égard de ceux considérés comme insouciantes cigales du vignoble. De ceux ayant actuellement des marchés et de la rentabilité à ceux qui n’auraient pas anticipé les changements de mode de consommation alors que leurs revenus et leur patrimoine foncier dégringolaient.
Si l’on veut comparer la situation à une fable de la Fontaine, plutôt celle du pot de fer et du pot de terre. D’une part les scintillants qui se sont endurcis au contact des marchés, et ne comprennent pas les difficultés conjoncturelles quand ils peuvent simplement arrêter d’acheter quand ils n’ont plus de demande. D’autre part les terriens qui se retrouvent avec des stocks de vin et des hectares de vignes dont ils ne savent plus quoi faire pour honorer la prochaine traite…
Certes caricaturales, ces situations bien séparées n’en reposent pas moins sur des responsabilités partagées. Il n’y a pas que la chute des ventes de vins rouges en vrac qui explique la crise actuelle. On trouve aussi l’échec de certaines approches plus opportunistes que construites de premiumisation. Qu’il s’agisse de satisfecit interprofessionnel sur la montée en gamme des vins quand il n’y avait que l'effet d'une rareté liée à des aléas climatiques, crantant moins les valorisations que coupant certains vignobles de l’entrée de gamme et les faisant sortir du marché. Qu’il s’agisse de la chute de la valorisation du bio après la poussée à la conversion sans construction de marchés. Qu’il s’agisse de la politique du tout appellation alors que cette massification débouche sur plus de confusion que de valorisation.
Bref, il y a un besoin incontestable d’évacuer des volumes et surfaces pesant sur l’avenir du vignoble français. Répondre "cheh !" ou équivalent plus civil n’est pas acceptable : il faut remettre la filière d’équerre pour lui permettre de se projeter rapidement sur la conquête de marchés. C’est la responsabilité de la filière d’accoucher d’une stratégie qui ne serve pas à caler une armoire mais à structurer les priorités de développement face à la multiplicité des défis environnementaux, commerciaux, sociétaux et compétitifs. Pas de fatalisme, pas de "mektoub". Mais une union sacrée. Tous pour vin, vin pour tous ?