ryptoblabes gnidiella est un ravageur préoccupant. Il est présent sur l’ensemble du littoral méditerranéen et il remonte à l’intérieur des terres. « Il s’implante progressivement dans les zones historiquement occupées par eudémis et il rend difficile l’obtention de maturités poussées pour obtenir une concentration des vins rouges », a expliqué Cyril Cassarini, lors de la conférence régionale viticulture bio 2023 organisée en visio par les chambres d’agriculture d’Occitanie début mars. Comment lutter contre en biocontrôle ? Plusieurs solutions sont disponibles mais elles restent « compliquées à mettre en place et ne sont pas toujours efficaces, car on a affaire à un insecte dont on ne connaît pas bien la biologie », reconnaît le technicien. La solution passe donc par un mixte de plusieurs techniques. Explications.
Pour les partisans de la confusion sexuelle, un diffuseur de phéromone est homologué contre Cryptoblabes : le Cryptotec de la société SEDQ, commercialisé par les établissements Magne. Il se pose en avril avant le début des vols à raison de 400 diffuseurs par hectare sur une surface minimale de 6 à 8 hectares.
Toutefois, si l’efficacité de la confusion sexuelle pour lutter contre les vers de la grappe – eudémis et cochylis – est reconnue, contre Cryptoblabes, elle peut présenter des échecs. « La confusion supprime les vols dans la zone couverte par les diffuseurs, mais on peut quand même observer des larves et des dégâts dus à la recolonisation de la zone par des femelles fécondées provenant de parcelles voisines non protégées, ou de plantes hôtes situées à proximité », a expliqué Cyril Cassarini. En effet, Cryptoblabes est un insecte très polyphage. Il navigue entre plusieurs cultures en fonction de la nourriture disponible. Et, la plupart du temps, les femelles s’accouplent en dehors des parcelles de vignes puis reviennent y pondre. « La confusion ne lui pose aucun problème. » Autre difficulté : la phéromone de Cryptoblabes est très volatile. Les diffuseurs ne permettent donc pas toujours d’assurer une diffusion suffisamment longue pour couvrir toute la période à risque.
L’efficacité de la confusion sexuelle contre Cryptoblabes est donc très variable et dépend de plusieurs facteurs. « Dans tous les cas, la technique seule ne suffira pas et il faudra associer d’autres moyens de lutte qui viendront en renfort et faire des combos », a insisté Cyril Cassarini.
Les trichogrammes sont des micro-hyménoptères qui vont pondre dans les œufs de Cryptoblabes. Ces insectes sont vendus dans des diffuseurs Tricholine Vitis développés par Bioline et commercialisés par Phyteurop. Ils s’accrochent sur les ceps ou sur le palissage à raison de 100 unités/ha de fin juillet à début août, au début de la véraison et sur une surface minimale de 0,5 ha. La firme a aussi développé les diffuseurs Tricholine Protect Vitis qui s’appliquent directement au sol à l’aide d’un quad ou d’un drone. L’avantage des trichogrammes, c’est qu’ils sont très sélectifs. L’inconvénient ? Ils sont très sensibles aux produits phytosanitaires. Avant de les lâcher, il faut ainsi respecter un délai de 21 jours après un traitement insecticide avec du spinosad, de 7 jours après un pyrévert, de 42 jours après un soufre poudre et de 14 à 28 jours – selon la dose utilisée – après un soufre mouillable. Quid de l’efficacité ? La chambre d’agriculture de l’Aude a mené en 2022 un essai sur une parcelle bio de mourvèdre située sur le littoral dans une zone de forte pression. Les expérimentateurs ont disposé sur un hectare les diffuseurs Tricholine Vitis, sur un autre les diffuseurs Tricholine Protect Vitis et ont gardé un dernier hectare comme témoin. Ils ont effectué trois lâchers : l’un 45 jours avant la date prévisionnelle de récolte, le deuxième 30 jours avant récolte et le troisième 15 jours avant. Les notations ont été effectuées le 14 septembre. Les résultats ont montré une efficacité de 94 % sur les chenilles pour la modalité couverte par Tricholine Vitis et de 82 % pour celle couverte avec les diffuseurs Tricholine Protect Vitis. À la récolte, dans la modalité couverte par Tricholine Vitis 68 % des grappes ne présentaient aucuns dégâts, 10 % des dégâts peu préjudiciables, 14 % des dégâts moyennement préjudiciables et 8 % des dégâts préjudiciables. En revanche, la modalité couverte par les Tricholine Protect Vitis a décroché. « C’est peut-être lié à la présence de résidus de soufre », a avancé Cyril Cassarini.
Les Bacillus thurigiensis (Bt) (Dipel, Xentari, Rapax) produisent une protoxine. Lorsque la larve l’ingère, elle cesse de s’alimenter et meurt. « Par rapport à eudémis, l’avantage des Cryptoblabes est qu’ils ne rentrent pas dans le grain et restent baladeurs toute leur vie. Ils « broutent » la surface des baies donc potentiellement ils avalent de la toxine. On peut donc obtenir une efficacité intéressante de l’ordre de 50 à 60 % avec les Bt ». Contre eudémis, les BT s’appliquent avant l’éclosion des larves au stade dit « tête noire ». Mais la difficulté avec Cryptoblabes est que l’on ne voit pas les œufs. « Dans ce cas il faut traiter dès l’apparition des vols significatifs et renouveler l’intervention chaque semaine, ce qui va engendre trois à quatre applications selon la date de récolte à une période où les vignerons ne sont plus dans les traitements ». En plus il faut intervenir avec des volumes de bouillie élevés : 250 à 300 l/ha voire plus, ce qui peut être difficile à mettre en pratique mais qui est gage d’efficacité.
En combinant les traitements Bt avec les lâchers de trichogrammes, on obtient un meilleur contrôle de Cryptoblabes. C’est ce qu’a montré la société Bioline avec un essai qu’elle a conduit dans le Gard dans une parcelle dévastée chaque année par ces ravageurs. Les expérimentateurs ont comparé, à chaque fois sur un hectare, un témoin non traité, une modalité avec deux lâchers de Tricholine Vitis, une modalité avec trois Bacillus thurigiensis et une modalité avec deux lâchers de tricho et trois Bt. Les résultats ont montré une efficacité de l’ordre de 50 % avec les modalités Bt seuls et tricho seuls et de 70 % avec l’association des deux. « Le combo apporte bien un plus », a souligné Cyril Cassarini.
La conclusion ? Il n’y a pas de solution unique pour lutter contre Cryptoblabes et mieux vaut combiner plusieurs techniques. Place aux combos !
D’après "Le Coût des fournitures en viticulture et œnologie 2023", le prix des diffuseurs Cryptotec destinés à faire de la confusion sexuelle contre Cryptoblabes est de 216 €/ha, celui des diffuseurs Tricholine Vitis destinés à faire des lâchers de trichogrammes, de 85 €/ha, celui des Bt d’environ 30 €/ha. Comptez ainsi 276 €/ha pour la confusion + deux BT ; 260 €/ha pour deux Tricholines Vitis et trois Bt et 386 €/ha pour la confusion et deux Tricholines. Un coût auquel il faut ajouter celui des poses et des passages de tracteurs. Et, dans certaines situations, celui de la confusion contre eudémis. Le prix de la tranquilité.