nseignante-chercheuse à Bordeaux Sciences Agro, Charlotte Poeydebat explique lors de la journée technique consacrée aux stratégies de lutte contre le mildiou de la vigne organisée par l’UMT Seven dans l’amphithéâtre de l’ISVV ce 25 avril qu’elle travaille avec des confrères de l’Inrae et de l’IFV sur la réduction de l’inoculum primaire pour limiter le recours aux produits phytos classiques et « valoriser d’autres outils à effet partiel, comme les produits de biocontrôle ou les stimulateurs de défense des plantes ».
Leur idée ? Tester la défoliation des ceps après les vendanges et l’exportation hors des parcelles des feuilles tombées au sol, où les oospores se forment en fin de saison et passent l’hiver. « Nous nous sommes inspirés d’essais similaires réalisés sur la tavelure du pommier ayant abouti à une réduction des dégâts sur fruits de 80% » relate-t-elle.
Après s’être assurés pendant 3 campagnes que cette mesure prophylactique n’avait pas d’impact sur le rendement et la mise en réserve de la vigne, les chercheurs ont développé une méthode d’analyse de la quantité d’ADN de mildiou dans des échantillons de sol. « Nous en avons retrouvé en quantité variable dans tous prélèvements réalisés tous les six ceps un rang sur deux dans une parcelle de merlot du site expérimental La Grande Ferrade » rapporte Charlotte Poeydebat, qui va désormais réaliser des analyses dans différents terroirs pour comprendre quels paramètres font varier la distribution intra-parcellaire de l’inoculum primaire. « Cela pourrait être la capacité de rétention en eau du sol » illustre-t-elle.
Leur deuxième défi est de réussir à transcrire la quantité d’ADN en potentiel infectieux. « Le lien entre le nombre d’oospores par gramme de sol et le risque d’épidémie lors du millésime suivant n’étant pas si évident, admet Charlotte Poeydebat. Nous devons travailler sur leur viabilité ».
Une fois l’obstacle passé, ils suivront des paires de placettes défoliées ou non dans différentes parcelles pour évaluer l’efficacité de la mesure. Si c’est le cas, une autre question se posera : celle du coût pour les viticulteurs qui voudront la mettre en place. Il faudra que la tâche soit mécanisée. Un prototype de machine qui coupe, aspire et broie les feuilles directement sur les ceps est en cours de développement, avec 90% d'efficacité (de feuilles enlevées), et d'autres pistes sont à l'étude, telles que ramassage ou le soufflage des feuilles au sol, et pâturage des vignes par des brebis.
En parallèle de ces essais sur la défoliation, Charlotte Poeydebat aimerait essayer de désynchroniser la germination des oospores pour la faire intervenir avant le débourrement de la vigne.
Chef du département R&D de la Chambre d’agriculture de la Gironde, Séverine Dupin travaille sur une autre piste. « Nous sommes presque sûrs que le compostage des feuilles, des rafles, et des rameaux permettrait de détruire le mildiou, comme c’est le cas pour les pathogènes responsables des maladies du bois _ black dead arm, eutypiose, et esca, lance-t-elle à l’auditoire. Si c’est le cas, nous pourrions restituer la matière organique que nous ôterions à la parcelle par défoliation. »
Selon Séverine Dupin, un compost de grand volume peut monter jusqu’à 75°C, « bien au-delà de la température létale de 50°C sur les oospores identifiée lors d’essais sur des disques de feuilles placés en étuves pendant un mois ».
Elle espère le vérifier cette année dans une exploitation située dans l’appellation Pessac Léognan habituée à composter tous ses résidus de taille, « de quoi faire un compost de 70m3, qui aura surement moins froid que celui de 7m2 que nous avons composé l’an passé à partir de déchets verts issus d’une parcelle du lycée de Libourne-Montagne ».
Séverine Dupin a placé dans le tas des sachets de feuilles et de baies contaminées par le mildiou, et des baies momifiées par le black-rot. Elle les prélèvera tous les mois jusqu’à la fin de l’automne pour analyser la viabilité des pathogènes.