e cirage des bouteilles revient au goût du jour. Les raisons ? Elles sont nombreuses. Mais la principale est d’ordre marketing. « Nous avons lancé cette année Altre Cami une gamme de vins d’IGP Pays d’Oc issus de terroirs du Roussillon triés sur le volet, expose David Chardron, directeur commercial du Domaine Gayda, 50 ha à Brugairolles (Aude). Ces vins proviennent de cépages rares, comme le maccabeu ou le grenache gris pour le blanc. Nous voulions sublimer ce travail au travail au travers du packaging. Notre agence de communication nous a suggéré la cire. » Les équipes maison ont dit banco.
Chaque couleur est chapeautée d’une cire de teinte différente : bleu vif pour le vin rouge, orange acidulé et blanc pour les deux blancs. « Les cires et les techniques de pose ont évolué, enchaîne David Chardron. Elles sont plus souples qu’autrefois. Elles existent dans de nombreux coloris et il est possible de choisir la forme et la longueur du revêtement de cire sur le col de la bouteille. »
Le Domaine Gayda a demandé un rendu bien précis au prestataire qui cire ses cols. Seul le haut du col est couvert et la base du revêtement se termine en biais par une petite goutte pour donner une impression de « fait-main ». « Nous n’avons pas forcément communiqué sur ce nouvel habillage, souligne David Chardron. Mais le rendu plaît à nos clients français et étrangers. » Le domaine a répercuté le coût de l’opération sur ses prix de vente à hauteur de 0,45 €/col.
L’esthétique ? C’est aussi ce qui a motivé le Domaine Lafage, 300 ha à Perpignan (Pyrénées-Orientales) à se lancer. « Nous avons fait un premier essai au Québec, il y a deux ans, expose Diane Caillard, responsable marketing et communication. La SAQ [Société des alcools du Québec] exige des bouteilles légères, y compris pour les cuvées haut de gamme. Problème, le rendu est moins valorisant. Nous avons alors eu l’idée de cirer les cols car cela améliore la qualité perçue à l’œil. » L’essai ayant bien fonctionné, le domaine a étendu cet habillage à d’autres références. « Car il est aussi de plus en plus difficile de trouver des capsules classiques dans des délais raisonnables », ajoute Diane Caillard.
Pour être autonome, l’entreprise vient d’investir dans une machine à cirer. Elle y a plongé les 50 000 cols de son côtes-du-Roussillon rosé Gallica vendu 16 € prix public. « Ce vin a reçu un très bon accueil en France et à l’export où il est commercialisé dans le secteur traditionnel », affirme Diane Caillard. Pour accompagner sa sortie, le domaine a diffusé une vidéo auprès de ses agents et sur les réseaux sociaux qui explique comment ouvrir une bouteille enrobée de cire. « Les gens pensent encore que c’est compliqué, commente Diane Caillard. Or il suffit de piquer le tire-bouchon au centre de la cire pour la retirer. » En plus de son rosé Gallica, le Domaine Lafage cire cinq autres cuvées, soit près de 100 000 cols au total. Et il prévoit de cirer de nouvelles références dès l’an prochain.
Yann Bertrand, propriétaire du domaine Les Bertrand, 9 ha, à Fleurie (Rhône), vient quant à lui de basculer l’intégralité de sa production en bouteilles cirées, soit 50 000 cols, après avoir commencé en 2013 sur quelques cuvées. Sa motivation ? La qualité : « Les vins se gardent mieux. Ils restent plus frais et plus aromatiques que ceux fermés avec une capsule classique », estime ce jeune vigneron qui vend ses vins en France dans le secteur traditionnel.
À Chablis (Yonne), le Domaine Billaud-Simon, 15 ha, partage cette observation. « Nous cirons nos chablis grands crus depuis 2015 ; ils se conservent mieux et les bouchons sont mieux protégés », assure Olivier Bailly, régisseur. Équipé d’une machine semi-automatique, ce domaine bouche quelque 8 000 cols par an de la sorte. « Nous achetons la cire sous forme de pains de 10 kg que nous faisons fondre, explique Olivier Bailly. Nous cirons les cols début janvier après les mises. Il faut compter une semaine à deux personnes pour traiter le lot. »
Au Château Dauzac, à Labarde (Gironde), grand cru classé de Margaux, l’opération est faite manuellement. « Nous cirons nos grands formats depuis longtemps, indique Laurent Fortin, directeur général. L’an passé, nous avons décidé de cirer également nos cuvées Franc de Pied et Neutre en carbone en bouteilles de 75 cl. » 2 000 bouteilles sont concernées. Ici, la motivation est avant tout écologique, le principal ingrédient de la cire étant la résine pin. Encore un argument en sa faveur même si, pour apporter de la souplesse, on ajoute des huiles minérales à la résine de pin.
« Nous avons de plus en de demandes, indique Jérémy Bertrand, fondateur de Cire Grand Prestige, prestataire de services basé à Ouroux (69). En 2017, nous réalisions 150 000 cols par an. Aujourd’hui, c’est 2,5 millions et l’activité progresse de 30 % par an. Les vignerons y voient un moyen de valoriser leurs cuvées. » Ce prestataire dispose d’une centaine de coloris dans son catalogue. De quoi satisfaire les goûts de chacun. « Nous proposons différents types de finition selon les envies des clients, précise Jérémy Bertrand. Les vignerons peuvent apporter leurs bouteilles dans notre atelier, mais dans la majorité des cas, nous nous rendons dans les domaines. » Le coût est de 30 c/col. Pour les vignerons qui effectuent le cirage eux-mêmes, la cire coûte 20 €/kg, soit 10 c/bouteille, sans compter la main-d’œuvre importante dès lors que le cirage est manuel ou semi-automatique.