utour de Ghisonaccia, en Haute-Corse, Léo Hauser n’est pas serein lorsqu’il arpente les 930 hectares des adhérents à la coopérative des vignerons d’Aghione. « Ce qui m’inquiète le plus, c’est le mauvais aoûtement des bois. La douceur a empêché la vigne de se reposer » témoigne-t-il.
Le responsable du vignoble espère que la plante aura assez de réserves pour passer l'hiver et suffisamment d'énergies pour faire pousser les bourgeons au printemps, d’autant que certains sont déjà dans le coton.
Conseillère viticole pour la Chambre d’agriculture de Haute-Corse, Anne-Gaëlle Dubreuil-Lachaud a déjà même vu quelques cas de débourrement et des pleurs dans les parcelles taillées dans la région de Patrimonio et le sud de l’île. « Souvent sur du niellucciu, des plantiers ou des complants » détaille-t-elle.
Pour retarder le démarrage de la végétation et limiter les risques de dégâts de gel, elle constate que les viticulteurs ont changé l’ordre dans lequel il taille leurs parcelles. « Ils n’ont pas forcément la main d’œuvre ou les machines suffisantes pour retarder la taille mais ils terminent par les zones gélives, les cépages précoces et les plantiers ».
Cette année, beaucoup de chantiers n’ont pu démarrer qu’en janvier car les feuilles sont tombées très tard.
Léo Hauser espère que le retour du froid prévu cette semaine va forcer la vigne à se calmer. « Si ça continue, dans quelques années nous allons nous retrouver comme les australiens à la mettre sous hormones pour la faire partir en repos végétatif » ironise-t-il.
Le manque d’eau pose aussi question aux professionnels de la région. « Les viticulteurs vont-ils devoir irriguer dès l’hiver ? Plusieurs conseillers le préconisent, comme le laboratoire Natoli, notamment dans la Balagne, une région qui a particulièrement souffert lors de la dernière campagne » relate Anne-Gaëlle Dubreuil-Lachaud.
Début 2022, Léo Hauser se souvient avoir appelé plusieurs consultants sur le continent pour savoir s’il devait déclencher l’irrigation. « Ils avaient plutôt tendance à me dire oui, mais finalement la pluie est tombée ».
Le sujet sera remis sur la table si les pluies annoncées dans la semaine ne viennent pas suffisamment remplir la réserve utile en eau.
« Nous n’avons connu que de petites pluies depuis décembre. Les sols sont bien plus secs que ce qu’ils devraient être, explique Djavan Daout, conseiller irrigation et gestion de l’eau à la Chambre. Il ne faudra pas forcément irriguer avant mais si la sécheresse perdure ce sera peut-être nécessaire dès la reprise de la végétation. Les arboriculteurs sont en train d’y réfléchir car leur saison est sur le point de redémarrer ».