ieux que le mouton, le cochon! « C’est en entendant parler de cette race néo-zélandaise, le cochon Kunekune, qui reste de petite taille et qui n’a pas suffisamment de muscles dans le cou pour lever la tête, que l’idée d’une expérimentation dans les vignes s’est finalisée », explique d’emblée Olivier Zébic, consultant viti-vinicole basé à Reims. C’est pourtant chez Fabrice Privat, vice-président des vignerons de Tutiac dans la région bordelaise, que le projet a pu prendre corps avec l’arrivée de 13 jeunes cochons Kunekune depuis le mois de juin. « Deux élevages français nous ont fourni les cochons avec 3 origines génétiques distinctes », situe Fanny Gizardin, responsable technique du vignoble de l’Earl Montgaillard, l’exploitation de Fabrice Privat, à Lugon.
« Selon les systèmes de taille, l’utilisation de ces cochons permettrait de tondre le couvert végétal de l’interrang même quand la végétation de la vigne se développe, contrairement aux moutons », reprend Olivier Zébic. L’autre intérêt de cette race réside dans son adaptation à une alimentation essentiellement basée sur des herbes diverses, en broutant de l’herbe ou en mangeant des fruits et légumes. « Encore jeunes, nous ne les avons pas encore mis dans les vignes, mais sur les parcelles de 200m² au sein desquelles nous les faisons évoluer, ils se nourrissent des mauvaises herbes comme la mauve, le ray-grass ou l’ortie que l’on retrouve également dans nos parcelles. Ils ont encore besoin d’une complémentation en granulés pour bien grandir puis nous les installerons dans les vignes après les vendanges fin septembre », poursuit Fanny Gizardin.
La responsable technique voit dans cette approche une solution originale de gestion de l’enherbement des parcelles de l’exploitation par le pâturage porcin. « L’intérêt est autant écologique qu’économique, car il y a également l’idée de la valorisation de leur viande en circuit court ensuite, après un ou deux de pâturage car nous ne voulons pas qu’ils soient trop grands pour atteindre la vigne. Nous allons d’abord les lancer en rotation sur une vingtaine d’hectares pour qu’ils broutent le couvert végétal sur l’interrang et sous le cavaillon. Si les essais sont concluants, nous comptons l’étendre à l’ensemble des 250 ha de l’exploitation », déroule Fanny Gizardin. Le cheptel nécessaire dépasserait alors la centaine de bêtes.
Olivier Zébic compte étudier le plus de paramètres possibles lors de cette expérimentation, du nombre d’individus nécessaires par unité de surface, aux espèces de couverts végétaux le plus intéressantes pour cet animal. « Nous pourrons évaluer l’appétence que génère chaque type de couvert chez les cochons, tout en gardant la vision sur les critères agronomiques et l’intérêt pour le vigneron dans l’atteinte de ses objectifs de production », poursuit Olivier Zébic. La prise de poids de chaque individu est mesurée chaque semaine depuis leur arrivée dans la propriété de Fabrice Privat. La valorisation de la viande du cochon est également à prendre en considération dans le coût économique de l’entretien du couvert d’interrang. « Dans la réflexion concernant la présence de couvert végétal, il faut considérer que les opérations de labour ou de tonte ont un coût. Lorsqu’on fait le choix d’introduire une herbe peu concurrentielle dans l’interrang, il faut prendre en compte ce coût d’entretien. Si la solution des cochons se révèle fructueuse même après départ en végétation de la vigne, c’est un argument économique essentiel », appuie Olivier Zébic.
L’exploitation de ce cheptel par l’EARL Montgaillard a nécessité une déclaration auprès de la chambre d’agriculture, en élevage de porc de plein air. L’origine de chaque animal est tracée et chacun dispose d’une boucle. L’exploitation a installé les cochons dans un enclos délimité par des clôtures électriques, « pour les préserver de contacts avec les sangliers et une contamination par la peste porcine, mais il faudra faire très attention pendant les périodes de chaleurs des truies, qui peuvent se reproduire avec des sangliers », prévient Fanny Gizardin.