écoiffant, l’exercice de la prospective peut déstabiliser. Il est même fait pour, entre ses scénarios partant dans tous les sens et ses visions d’avenir pour le moins perchées. En témoignent les 4 scénarios pour 2040-2045 esquissés par les travaux de la mission prospective de FranceAgriMer et de l’Institut Agro Montpellier. Le scénario A part de l’hypothèse que « la culture de la vigne et la consommation du vin sont mises en accusation comme cause d’apparition de cancer par les activistes anti-alcool et anti-pesticides », ce qui impose des « solutions agro-écologiques innovantes » pour une approche « agroalimentaire » des IGP, les engagements environnementaux ayant supplanté les indications géographiques dans les attentes des consommateurs. Le scénario B repose également sur un virage technologique des IGP pour proposer des « vins propres » (notamment grâce à l’édition génomique de la vigne), mais avec une « écoute des consommateurs » qui permet aux IGP de « jouer à la fois la carte de la modernité et celle de l’authenticité accessible ».
Dans le scénario C, « la provenance de territoire devient le critère de choix privilégié par les consommateurs dans le monde » dans un contexte économique tendue, amenant à l’augmentation de la productivité et le développement des marques « pour attirer les nouvelles générations de consommateurs » avec une approche marketing « s’inspirant des codes marketing des bières artisanales ». Le plus extrême avec son idée de fusion des AOP et IGP, le scénario D imagine que « les vins IGP apparaissent moins productifs que les vins de France et moins "typiques de terroirs" ou moins porteurs d’attributs agro-écologiques que les AOP ». Face au repli des rémunérations et de la production, « les Pouvoirs publics décident alors d’entreprendre la fusion des AOP et des IGP au sein du segment des Indications Géographiques pour constituer le socle d’offres régionales simplifiées » imaginent les rapporteurs.


Déjà présentée dans quatre bassins viticoles, cette étude ne laisse pas indifférente la filière des vins IGP, où le scénario B est clairement favori (« des vins IGP technologiques, authentiques et accessibles »), quand le D donne des palpitations (« vers une fusion AOP et IGP »). « Le scénario B plaît le plus, mais tout n’y est pas satisfaisant » pointe Gérard Bancillon, le président Confédération des vins IGP de France, qui a commandité cette étude pour marquer la première décennie du signe de qualité (créé en 2009). Pour le viticulteur gardois, il s’agit maintenant d’« essayer de favoriser le scénario qui plait le plus en y améliorant ce qui gêne, tout en travaillant les autres scénarios pour éviter la perte valeur ajoutée sur notre signe de qualité. »
« L’objet de cette étude est d’élaborer des scénarios pour l’avenir des vins IGP qui puissent servir aux décideurs de la filière, en vue de l’élaboration de stratégies gagnantes » confirme la note de synthèse de cette étude, ajoutant que « la méthodologie, spécifique à la prospective, n’a pas pour objet de prédire l’avenir mais de permettre d’anticiper différentes situations que l’on pourrait rencontrer, sans préjuger de leur caractère probable, souhaitable ou au contraire redoutable ». Avec la prospective, il s’agit de signaux d’alerte : « si l’on reste à dormir sur nos deux oreilles, il y aura des risques. Il faut anticiper les évolutions sociétales pour apporter des solutions et protéger nos producteurs des scénarios défavorables » pointe Gérard Bancillon, qui souligne que « gouverner, c’est prévoir ».