es adventices n'en demandaient pas tant. Leur cadeau de fin d'année 2021 : un jet d'herbicide ciblé à la base de chaque cep, suivi d'un coup de lame entre les ceps. C'est Florian Brusseau et son père, viticulteurs installés sur une centaine d'hectares à Jarnac-Champagne, en Charente-Maritime qui leur ont offert. Et les herbes n'y ont pas résisté !
En septembre dernier, ces vignerons ont reçu leur porte-outil Emisol, un appareil traîné qui travaille deux rangs par passage, équipé de disques chausseurs et de lames montés sur des interceps Spedo. Puis Florian Brusseau a eu l'idée d'y ajouter un système de désherbage par impulsion pour désherber au pied des ceps. But recherché : « réduire les doses d'herbicides, aller vite et détruire les herbes problématiques au pied des ceps, comme les ray-grass, sans avoir à les arracher à la main ». Un pas vers l'agroécologie pour des viticulteurs qui, jusque-là, désherbaient entièrement le rang. Mais un pas qui ne sera pas franchi d'un coup.
Dès que son idée a germé, Florian Brusseau l'a soumise à Adrien Boisnier, à la tête de Forge Boisnier, concepteur du porte-outil Emisol. Et c'est ce dernier qui a conçu et installé le système de désherbage au pied des souches. Il a placé quatre buses à fente sur le porte-outil, une sur le support en rotation de chaque palpeur. Ces buses pulvérisent un bref jet, légèrement en arrière des lames. La trouvaille consiste à les déclencher quand le tâteur des interceps s'efface au passage des ceps ou des piquets. Le jet est d'autant plus bref que la garde du tâteur est faible.
Buse à jet plat utilisée pour le desherbage de précision sur ceps et piquets (photo Vincent Gobert)
Quant au circuit de ce pulvé, il comprend une cuve de 300 litres et une pompe électrique 12 V branchée au tracteur. La régulation est manuelle et le démarrage de la pulvé se fait grâce à un simple interrupteur en cabine. Pour ce prototype de pulvé ciblée par impulsion, Adrien Boisnier a demandé dans les 6 000 ?.
« Nous avons appliqué un mélange de glyphosate dosé à 1 l/ha et de Kerb à 0,7 l/ha en décembre dernier, décrit Florian Brusseau. Nos vignes sont plantées entre 2,5 et 3 m d'inter-rang et avec 1,2 m sur le rang. Nous avons roulé à 6 km/h. Le désherbage s'est bien passé. Le système s'est bien déclenché ; les herbes situées aux pieds des piquets et des ceps sont détruites alors que les interceps ne les ont pas toujours atteintes. De plus, je suis passé à 30 l/ha de bouillie seulement. C'est 60 % de moins qu'un traitement tout au long de la ligne des souches. »
Mais pour son premier essai, Florian Brusseau n'a désherbé que six de ses 100 ha de vigne de cette manière. « Ailleurs, nous avons désherbé la ligne des souches de façon classique, à 8 voire 9 km/h, pour être plus rapides. Sinon, on aurait passé plus de temps que nous ne voulions y consacrer. Puis ce printemps, nous avons fait un nouveau passage de désherbant sur toute la ligne de souches. On n'est pas passé avec l'Emisol car on a été débordés par les travaux. Mais le résultat de décembre nous convainc ! »
Avant de reprendre son Emisol, Florian Brusseau pense à des perfectionnements. « Le montage peut encore être amélioré car le désherbage s'effectue parfois en décalage, trop tôt ou trop tard par rapport aux souches, confie-t-il. Cela parce que les buses sont fixées à l'axe de la lame. Elles pivotent comme la lame et je me suis retrouvé seul à devoir la régler. »
Pour le viticulteur charentais, il faudrait que les buses soient fixées de façon rigide. Surtout, il souhaiterait en trouver d'autres, avec un angle de jet bien plus petit que celles dont il est équipé. « On pourrait les fixer au-dessus de l'intercep, et en avant, pour pulvériser sur 10 cm de large autour du pied, au lieu de 70 cm aujourd'hui. On pourrait alors laisser plus de garde au tâteur afin de prendre moins de risque de blesser les pieds de vigne. On désherberait sur une bande un peu plus longue à l'avant et à l'arrière des souches, sans utiliser plus d'herbicides », précise Florian. Malheureusement pour l'instant, il ne trouve pas de buse qui réponde à cette exigence. Andrien Boisnier non plus. « On essaiera peut-être une buse à jet conique au lieu des buses à fente », dit Florian. En attendant, son Emisol est équipé de buses à 80° qu'il faut donc placer près du sol pour ne pas désherber une bande trop large, au risque de les abîmer.
Le vigneron voudrait aussi une protection des buses et porte-buses « contre le foisonnement. Car à la vitesse à laquelle on passe, on risque de les abîmer dans une grosse végétation. Un tel cache permettrait aussi de mieux protéger la vigne des embruns d'herbicides, même s'il y en a peu avec nos buses antidérive ».
Malgré toutes les imperfections que Florian Brusseau a découvert après son premier passage, sa machine le satisfait. « Je veux réduire l'utilisation de phytosanitaires. Dans les rangs très longs qui correspondent à presque la moitié de notre surface, ce désherbage combiné est une bonne piste ! » Pour l'heure, l'objectif de Florian et de son père est de changer d'échelle, pour passer de 6 ha à 30, 40 voire 50 hectares désherbés mécaniquement et de façon localisée. Un petit pas pour eux, un grand pas pour le désherbage de précision !
« La solution est là, il y a juste à peaufiner, admet Adrien Boisnier, à la tête de la Forge du même nom. Je vais remédier à la position de la buse car ce n’est pas l’idéal. Il la faudrait plus haute ou en arrière, même loin, à 1,10 ou 1,20 m, d’autant que la poussière vient s’y coller. Mais dans ce cas, il faudrait utiliser une buse avec un angle de projection plus étroit. Sinon on va désherber une bande trop large. Pour le positionnement, une autre complication vient du fait que les viticulteurs ne travaillent jamais la même largeur de vigne. On ne peut donc pas placer les buses n'importe où sur le châssis de l'Emisol. Dans l’immédiat, le plus simple est de les garder là où elles sont et de leur donner un angle par rapport à l'avancement et au tâteur. Concernant les buses, je voudrais en trouver avec un angle de jet de 20° et en antidérive. Or, je n’ai pas l’impression que ça existe ».