’est une lacune qui semble inexplicable : si le barreau de Bordeaux disposait de nombreux instituts spécialisés dans différents droits (dommages corporels, défense des séniors, propriété intellectuelle…), il n'hébergeait pas d’outil dédié au droit de la vigne et du vin qui fait la réputation de la capitale girondine. Ce manque est en passe d’être effacé avec la création annoncée d’un institut dédié au sein du barreau de Bordeaux. « C’est une anomalie réparée par la bâtonnière Christine Maze » annonce maître Jean-Baptiste Thial de Bordenave (cabinet Minéral Avocats). Fils de vignerons de l'Entre-deux-Mers, l'expert en droit des marques et de la propriété intellectuelle va prendre la présidence de cet institut du droit vitivinicole. Dont la création doit être prochainement actée par l’ordre des avocats bordelais (avec un appel à candidature).
Alors que des ténors du barreau bordelais s’illustrent dans le droit viticole, ce nouvel institut « ne va pas forcément faire plaisir à tout le monde. C’est un petit milieu que l’on va professionnaliser, où l’on va promouvoir la qualité* et donner de la visibilité » explique Christine Maze, la bâtonnière du Barreau de Bordeaux (le quatrième de France, avec 1 933 avocats recensés), qui souhaite « dépoussiérer ce champ d’activité qui est presque une chasse gardée pour des gens forcément très compétents, mais qu’il faut ouvrir ». Un vivier d’experts du droit de la vigne et du vin existe déjà à l’université de Bordeaux avec le master 2 dédié à ces sujets depuis 1985.


Regrettant que les avocats pâtissent d’une image inaccessible, la bâtonnière souhaite positionner les robes noires en outil d’accompagnement de l’essor économique, dégageant une plus-value de conseil et ne se limitant pas aux contentieux : « il est nécessaire qu’il n’y ait pas un contrat signé dans la région sans le conseil de son avocat » pour prévenir tout risque juridique a priori plutôt que le subir a posteriori. « L’avocat est le garant des droits de son client, c’est son rôle de défense par rapport aux notaires et experts comptables » abonde Isabelle Coulary, la directrice de la communication de l’Ordre des Avocats du Barreau de Bordeaux.
« L’objectif est que tous les acteurs, de l’amont à l’aval, des petits viticulteurs aux grands châteaux, négoces et syndicats, se reconnectent au barreau de Bordeaux » indique Jean-Baptiste Thial de Bordenave : « on a perdu le réflexe de l’avocat. Il faut casser l’image d’un avocat cher et éloigné. Le barreau de Bordeaux est au service du développement économique de la filière. Trop de choix sont faits dans la région sans conseil. » Pour promouvoir cette expertise, l’institut compte rédiger un premier guide juridique pour aider les jeunes vignerons à s’installer sans oublier la moindre démarche administrative (droit rural, gestion des employés, dépôt de marques, droits de plantation…). « Ce n’est pas le métier de l’agriculteur de faire du droit. Nous voulons lui donner toutes les directions pour réussir en allégeant le poids de l’administratif. Et son poids psychologique » indique Jean-Baptiste Thial de Bordenave, qui résume : « nous voulons que la filière vitivinicole réalise que l’avocat est son interlocuteur privilégié ». Pour conseiller et pour plaider conclut Christine Maze.
D'après la bâtonnière, il n'existerait pas d'institut spécialisé sur le droit du vin dans les autres barreaux français.
* : L’institut affiche un objectif d’accompagnement avec des spécialistes identifiés pour leur maîtrise des sujets et leur formation continue (tout avocat devant suivre 20 heures de formation par an, il y aura un accent donné aux sujets vitivinicoles pour cet institut). « Le droit du vin est transversal et pluridisciplinaire avec du droit environnemental, des relations internationales, de la propriété intellectuelle, du droit fiscal, de la transmission, du droit pénal… » souligne maître Christine Maze. « Dans toutes les matières du droit, le vin a un droit spécifique à tous les niveaux, comme c’est un produit unique » ajoute Jean-Baptiste Thial de Bordenave, l’avocat soulignant que le droit coutumier évolue selon les bassins viticoles. Des spécificités appuyant la nécessité de créer un institut dédié.