e monde du vin ne manque pas de structures vouées à la diffusion de pratiques durables. La particularité de la Sustainable Wine Roundtable, coalition fondée en septembre 2021, c’est qu’elle réunit à la fois, organismes professionnels, grands et petits producteurs, distributeurs et acheteurs en tous genres.
Plus de 40 grands acteurs de la filière internationale du vin*, un véritable aréopage de représentants sectoriels, ont rejoint la coalition dans sa phase de construction. Son objectif ? S’appuyer sur les multiples labels existants pour développer un référentiel mondial, « clarifiant le consensus au sein de la communauté vin sur ce que constitue le développement durable et comment il est appliqué et mesuré ».
Car ce sont bien ces deux aspects qui posent problème. « La raison pour laquelle je voulais que Vintage Wine Estates rejoigne la coalition, c’est parce qu’il est impossible pour les consommateurs, et les acheteurs et journalistes spécialisés, d’identifier les labels qui englobent véritablement tous les aspects du développement durable, ceux qui font progresser les caves, et ceux qui représentent plus des outils marketing », explique Erica Landin Löfving, responsable du développement durable auprès de ce groupe de 13 wineries américaines. Et elle sait de quoi elle parle : avant d’occuper ce poste, elle a recensé tous les programmes de développement durable dans le monde pour le compte du monopole suédois Systembolaget. « Ma conclusion, c’était que la seule façon pour que le concept passe bien auprès des consommateurs, c’est qu’une structure de grande envergure ou un gros acheteur établisse un référentiel qui serve de point de repère pour l’ensemble des acteurs, et parle d’une seule voix aux consommateurs ».
Et d’insister sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle usine à gaz : « Nous ne cherchons pas à remplacer les dispositifs locaux existants, mais plutôt à créer un référentiel mondial qui leur permette de mesurer leurs progrès et de se rapprocher de la définition d’un vin issu du développement durable caractérisée par la Sustainable Wine Roundtable. Nous avons besoin que le plus grand nombre de dispositifs locaux nous rejoigne, et de leur faire comprendre qu’un sacrifiant une petite part de leur individualité, nous allons gagner en reconnaissance auprès du consommateur et alléger la pression sur les producteurs à toujours rapporter leurs performances sous de multiples formats ».
En effet, le manque de clarté ne touche pas uniquement le côté aval de la filière. En amont, les producteurs sont de plus en plus assaillis de demandes diverses et variées émanant des acheteurs pour rendre compte des efforts réalisés. « Lorsqu’il appartient aux acheteurs de formuler leurs propres demandes de reporting, cela crée beaucoup de paperasse pour les producteurs parce que tout le monde demande les mêmes informations mais formulées de manière différente. Ce serait tellement plus simple de pouvoir montrer le niveau qu’on a atteint, et que les acheteurs comprennent d’emblée ce que cela signifie. S’ils ont des besoins propres à leur entreprise, cela se résumerait en deux ou trois questions, mais pas vingt comme c’est le cas habituellement ». Pour y parvenir, la coalition a besoin de recruter un maximum d’acheteurs, et que ces derniers « s’engagent à harmoniser leurs besoins en matière d’achats avec ce que constitue un vin issu du développement durable tel que cela aura été défini au sein de la Sustainable Wine Roundtable », martèle Erica Landin Löfving.
Pour l’amont de la filière, la nouvelle structure peut apporter d’autres bénéfices : « La mise en relation entre des entreprises qui se sentent concernées par le développement durable est primordiale. Nous pouvons nous rapprocher de nos concurrents à travers le monde pour voir comment ils ont surmonté différents problèmes et envisagent certains aspects, voire même tenter de nous associer pour trouver des solutions. Pour notre part, nous avons pu contacter Treasury Wine Estates, qui a les mêmes préoccupations que nous en termes de sécheresse ou de reporting pour une entreprise cotée, par exemple ». Au-delà des questions concrètes de bonnes pratiques, la coalition cherche à transcender des enjeux politiques locaux, qui peuvent, il faut le dire, miner les bonnes intentions. En dehors des taux d’adhésion à certains programmes régionaux dans le monde qui peuvent surprendre par leur amplitude – et mettre en doute leur crédibilité – il ne fait aucun doute que des conflits d’intérêt peuvent nuire à l’efficacité de certaines certifications.
Enfin, la pandémie a peut-être facilité la transmission du message sur le développement durable, non seulement en sensibilisant les consommateurs aux enjeux des pratiques respectueuses de l’environnement et de la société, mais aussi avec un apport technologique non négligeable. « La montée en puissance des QR codes pourrait permettre de transmettre davantage d’informations, sachant que pour moi, la première étape, c’est d’éduquer les journalistes et les acheteurs. Lorsqu’ils auront compris et se seront intéressés aux différences qu’il peut y avoir, et qu’ils auront exercé une pression supplémentaire sur la filière, ils seront en mesure de communiquer le message aux consommateurs. Et les acheteurs veulent une convergence, une réduction du nombre de certifications ». A l’avenir, Erica Landin Löfving appelle de ses vœux une transition importante des mentalités : « Il faut passer du storytelling aux indicateurs mesurables. Il nous faut des chiffres, qui nous responsabilisent, nous permettent de nous comparer à nos concurrents et pour que le consommateur puisse mesurer nos progrès. Nous ne pouvons plus nous contenter de compter le nombre de nids à chauve-souris ou à chouettes que nous avons installés. Nous devons mesurer des aspects concrets comme notre consommation d’eau ou notre empreinte carbone, non seulement dans le vignoble, mais sur toute la chaîne d’approvisionnement ».
*Parmi les membres fondateurs, citons Ahold Delhaize, Waitrose Partners, Whole Foods Market et Lidl GB pour les distributeurs ; le CIVB, Wines of South Africa, l’université de Geisenheim et la New York Wine & Grape Foundation, pour les institutionnels ; Schenk Group, Treasury Wine Estates, Famille Perrin, BLB Vignobles, Château Léoube, Cloudy Bay et Vintage Wine Estates pour les producteurs ; les monopoles Systembolaget et Alko ; ainsi que des verriers, bouchonniers, International Wineries for Climate Action, The Porto Protocol, et le site JancisRobinson.com