l existe un moyen de ne pas s’arracher les cheveux sur une demande d’aide à l’investissement : déléguer le montage du dossier. À certaines fédérations de vignerons indépendants, par exemple. En treize ans, celle de la vallée du Rhône n’a eu aucun dossier retoqué. Pour son directeur Pierre Saysset, cela s’explique : « Notre personnel est formé et nous avons des contacts fréquents avec FranceAgriMer. »
Dans cette fédération, la prestation inclut le suivi du dossier jusqu’à la demande de paiement, qui peut intervenir après plusieurs années. « C’est une horreur : il faut entrer chaque facture et chaque justificatif de paiement en face des devis, indique Pierre Saysset. Si la facture est différente du devis initial, on doit le modifier. Le dossier peut alors repartir en instruction… Or, en ce moment, certains devis ont une validité d’un mois ! »
La fédération facture à ses adhérents 5 % du montant de l’aide demandée, avec un plafond à 3 500 €. « Nous sommes couverts par une assurance. En cas de défaillance de notre part, le viticulteur sera indemnisé du montant de l’aide demandée », assure Pierre Saysset. En revanche, ce ne sera pas le cas si le dossier est exclu, n’étant pas jugé prioritaire lorsque l’enveloppe d’aide est insuffisante au regard des demandes.
Mais, même dans un tel cas, le recours à un professionnel peut faire la différence, car il maîtrise les « astuces » pour améliorer la note d’un dossier. En ce qui concerne les aides à l’investissement, les demandes comportant un critère environnemental sont prioritaires. Encore faut-il connaître ces critères. « Parfois, il suffit qu’un matériel comporte tel module pour qu’il soit jugé à caractère environnemental. Et il faut le préciser sur le devis pour que ce soit pris en compte », illustre Florence Lamoureux, consultante à Bordeaux. Avec une centaine de dossiers à son actif, elle est rompue à l’exercice. « Il y a des notes internes qui ne sont publiées nulle part, explique-t-elle. Il faut avoir eu les personnes au téléphone pour savoir quelle case cocher pour qu’un investissement soit jugé éligible. On ne peut pas deviner ! »
En entretien préalable, elle prévient ses clients que monter un dossier les engage à le réaliser scrupuleusement et qu’ils seront contrôlés dans ce but. Lorsqu’un dossier comporte du bâti, elle se déplace pour en discuter. « Il faut souvent refaire les devis pour inscrire sur des lignes différentes ce qui est éligible ou non. Cela évite des allers-retours avec FranceAgriMer. »
La consultante facture un tarif de base, dû quelle que soit l’issue de la demande. S’y ajoute un pourcentage de l’aide versée. Lorsqu’elle repère un risque, elle met en garde : « Si une entreprise présente trois EBE négatifs, il y a un gros risque que son dossier soit refusé ou qu’elle doive bloquer ses comptes courants pendant plusieurs années. Je préviens les vignerons et, s’ils souhaitent s’engager, on travaille avec leur comptable. »
Consultant et gérant d’une société de vente de vins en ligne, Emmanuel Puymoyen fait aussi face à une demande croissante d’aide au montage de dossiers d’aide à l’investissement. « La procédure est tellement rigide qu’un dossier éligible peut être refusé pour une erreur de déclaration, résume-t-il. Et, même si un recours est théoriquement possible, il est difficile de contester une décision de FranceAgriMer. C’est en amont que l’on discute. »
Même un dossier initialement accepté peut être in fine rejeté pour un bon de commande signé trop tôt ou si le projet a dévié. Un conseil d’expert peut sauver la mise. « Un viticulteur avait acheté moins de cuveries que prévu, illustre le consultant. Je l’ai informé qu’il risquait de perdre sa subvention : il a donc racheté ce qui manquait. »
Emmanuel Puymoyen facture à la journée de travail. « On peut aussi négocier un tarif de base et un bonus en cas de succès », glisse-t-il. Ses additions vont de quelques centaines d’euros à plus de 10 000 €. Car certains dossiers, en cours depuis quatre ans, ont accumulé 400 factures… Et en cas d’échec ? « Ce n’est jamais arrivé, mais mon assurance en responsabilité civile pourrait indemniser un préjudice », précise-t-il.
Même avec l’expérience, les prestataires continuent à s’arracher les cheveux. « J’ai dû monter 200 dossiers, mais je dois encore me replonger sans cesse dans la circulaire et dans mes notes », soupire Pierre Saysset.