inie la lutte systématique, place à une approche plus pragmatique ? C’est un changement de paradigme qui semble être dans l’air du temps : ne plus chercher éradiquer, mais enrayer et vivre avec. Il n’est pas question ici de stratégie médicale pour lutter contre le coronavirus, et espérer en finir avec la pandémie de Covid-19, il s’agit d’une maladie viticole : le phytoplasme Candidatus phytoplasma Vitis et de la stratégie de lutte contre la flavescence dorée.
Un tournant dans la lutte contre cette maladie de quarantaine est actuellement en réflexion au sein des instances du ministère de l’Agriculture. Ayant achevé ses consultations ce mercredi 8 février, le Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV) doit désormais se positionner sur l’avenir de la gestion française de la flavescence dorée pour que la Direction générale de l’Alimentation (DGAL) en rédige en synthèse et que les pouvoirs publics actent de nouvelles orientations. En la matière, le ministère de l’Agriculture esquisse un nouveau départ en indiquant à Vitisphere qu’« en France, il est constaté que l’éradication ne peut plus être un objectif dans les bassins viticoles où la présence de la flavescence dorée est considérée comme endémique (Occitanie et Nouvelle Aquitaine notamment) ».


Un constat partagé par les techniciens viticoles suivant comme le lait sur le feu les progressions annuelles de la flavescence dorée, qui peut au mieux être contenue, mais bien rarement réduite à néant. Pour changer de stratégie, les autorités françaises s’appuient sur le règlement européen 2016-2031 relatif aux mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux, qui « prévoit la possibilité, pour les organismes de quarantaine présents sur le territoire de l’UE, de la publication de règlements d’enrayement de ces organismes. Ainsi, il est permis aux État membres de déroger à la stratégie d’éradication, dans les zones où cette éradication n’est plus considérée comme possible » explique le ministère de l’Agriculture, qui souligne que le cadre réglementaire doit encore être stabilisé. Applicable depuis le 14 décembre 2019, le règlement UE 2016-2031 doit être complété par un texte communautaire sur l’enrayement de la flavescence dorée : devant être prochainement finalisé et mis en consultation publique, ce règlement doit être opérationnel dès le premier mai prochain, rapporte-t-on rue de Varennes.
Concrètement, « chaque État membre a la possibilité de déclarer des zones en enrayement qui figureront en annexe du règlement. Cette annexe pourra être modifiée par la suite pour les pays qui ne seraient pas encore positionnés au moment de la parution du règlement au printemps 2022 » explique le ministère, soulignant que parmi les « différences par rapport au principe général d’éradication des organismes de quarantaine », on trouve notamment la fin d’obligation de la surveillance officielle sur ces zones. Soit les actions prospection des Directions Régionales de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF), des Services Régionaux de l'Alimentation (SRAL) et Fédérations Régionales de lutte contre les Organismes Nuisibles (FREDON).
Si l’État met fin à son contrôle, les vignerons doivent le poursuivre : « dans le cas d’une stratégie d’enrayement, les professionnels ont toujours l’obligation de surveillance générale et de déclaration des végétaux contaminés par des organismes de quarantaine » rapporte le ministère de l’Agriculture, notant qu’une prospection peut être mise en place, notamment avec des Groupements de Défense contre les Organismes Nuisibles (GDON). Dans tous les cas, les opérations de surveillance de la flavescence dorée sur les zones d’enraiement « sont prises en charge d’un point de vue opérationnel et financier par les professionnels et supervisés par les FREDON » précise le ministère. Un tournant qui ne laisse pas insensible les représentants du vignoble : « on craint que l’État ne se déleste de ses responsabilités pour baisser ses coûts en nous les transférant » glisse un vigneron méridional. « La prospection est importante, mais elle ne fait pas tout : le traitement à l’eau chaude des plants et la traçabilité du matériel végétal sont à développer » estime un vigneron septentrional.
Ayant des degrés de liberté dans la mise en place du dispositif, la France peut envisager « des mesures particulières, notamment celles concernant la circulation du matériel de multiplication entre les différences zones, avec le principe de maintenir une haute qualité sanitaire des plants de vigne dans le cadre du passeport phytosanitaire et de la certification à l’exportation » avance le ministère de l’Agriculture. Hors des zones d’enrayement, les pouvoirs publics maintiennent « la surveillance officielle », selon le « risque d’établissement de la maladie : il s’agit des zones exemptes et des zones maintenues en éradication » ajoute le ministère, précisant que l’éradication reste obligatoire dans les zones tampon (2,5 kilomètres autour des zones infectées).