Conques-sur-Orbiel dans l’Aude, Olivier Cabirol se prépare à franchir un nouveau pas dans la réduction des doses de glyphosate. « Je suis déjà passé à 500 g/ha avec de bons résultats. Mais cette année, je dois descendre à 450 g/ha », explique ce vigneron coopérateur à la tête d’une exploitation de 26 ha.
Olivier Cabirol emploie un produit dosé à 360 g/l. Pour descendre à 500 g/ha de matière active, il a ramené la largeur de la bande désherbée à 40 cm, augmenté la concentration de sa bouillie pour n’appliquer que 60 l/ha et installé des buses anti-dérive. « J’attends le débourrement pour intervenir, afin que toutes les adventices aient levé, y compris les chardons, précise-t-il. À condition de tolérer un peu d’herbe, une seule application de glyphosate suffit. Pas besoin d’y associer un antigerminatif, ni de passer avec un intercep. »
Les vignes d’Olivier Cabirol sont plantées entre 2 m ou 2,25 m entre les rangs. Il entretient ses interrangs avec des disques, un cultivateur ou un rotavator, qu’il peut régler afin que la bande travaillée recouvre légèrement les bandes désherbées, même maintenant après les avoir ramenées à 40 cm de large.
Afin de descendre à 450 g/ha de matière active, il va réduire encore le volume de bouillie pour préserver la concentration et s’intéresser de plus près à l’eau qu’il emploie. « Je prépare ma bouillie avec de l’eau de pluie, indique-t-il. Je vais vérifier son pH et l’acidifier si nécessaire. »
Olivier Cabirol compte également développer le désherbage mécanique du rang, qu’il pratique déjà sur 5 ha. Mais il n’ira pas jusqu’à le généraliser. Et pour cause : « le travail du sol favorise l’installation du sorgho d’Alep et du chiendent, qui s’incrustent au ras des ceps », observe-t-il. Pour les éliminer, il prévoit de revenir périodiquement au désherbage chimique. « Mon objectif est d’utiliser les interceps sur un tiers de ma surface, en changeant de parcelle tous les trois ans, avant que ces vivaces ne s’installent. J’espère ainsi trouver un équilibre durable à un coût acceptable. »
À Martigné-Briand dans le Maine-et-Loire, Didier Vazel, responsable du vignoble du domaine de Brizé, doit lui aussi aller plus loin dans la réduction des doses. Dans ce vignoble de 40 ha, le désherbage est mécanique avec possibilité de rattrapage chimique sur une moitié de la surface, et chimique sur l’autre moitié avec parfois une intervention mécanique en complément. « Dans cette dernière moitié, je ne peux plus faire deux applications de glyphosate comme avant. En 2021, j’ai commencé à tester deux autres solutions », note-t-il.
L’une d’elles a consisté à appliquer 200 g/ha de flazasulfuron (Katana) tôt en février afin de contenir le salissement jusqu’au printemps. « J’y suis ensuite revenu fin mai à la sortie des vivaces avec 225 g/ha de glyphosate et 0,4 l/ha de pyraflufen-éthyl (Sorcier), puis en rattrapage en juillet avec à nouveau 225 g/ha de glyphosate, associé cette fois à 0,3 l/ha de carfentrazone-éthyl (Shark). » Dans quelques parcelles, il a remplacé cette deuxième application de glyphosate par un désherbage mécanique. « J’ai obtenu un résultat correct avec ces deux options », relève-t-il.
Cette année, il va essayer un autre programme avec 200 g/ha de flazasulfuron en février, puis 1,2 kg/ha de flumioxazine (Pledge) en avril et finir avec 450 g/ha de glyphosate fin juin, associés à 0,3 l/ha de carfentrazone-éthyl. « En réduisant les doses, des espèces comme l’érigeron ou la morelle pourraient se réinstaller. À terme, pour les contrôler, il faudra sans doute prévoir des interventions mécaniques en plus », envisage-t-il.
À Bergholtz dans le Haut-Rhin, Jean-Luc Galliath désherbe déjà mécaniquement le rang dans les deux tiers de ses 10 ha. Mais dans le tiers restant, c’est impossible ! « J’ai encore des parcelles de plus de cinquante ans avec un écartement de 1,30 m où je ne peux pas passer d’interceps », note-t-il. Il désherbe ces vignes au stade trois feuilles étalées avec 380 g/ha de glyphosate associés à 70 g/ha de flazasulfuron. « C’est suffisant pour garder les rangs propres jusqu’à la véraison. Ensuite, les herbes poussent et je laisse faire. Je suis déjà en dessous de la limite du plafond pour le glyphosate. Mais il ne faudrait pas l’interdire ; j’en ai encore besoin ! », affirme le vigneron.
Jean-Luc Galliath l’utilise aussi en secours dans les vignes dont il désherbe mécaniquement les rangs pour réduire le liseron et le chiendent au pied des ceps, ou encore lorsqu’il pleut trop. « L’an dernier, j’ai été débordé par l’herbe dans des parcelles trop humides. J’ai rattrapé la situation avec 1 l/ha de glyphosate. »
À Escoussans en Gironde André Faugère désherbe chimiquement les rangs de ses 37 ha. Avec des rangs espacés de 2 à 3 m, la bande désherbée fait 80 cm de large. « Jusqu’à l’an dernier, j’appliquais 1 080 g/ha après le débourrement quand le sol était assez humide pour que les adventices soient en croissance, car c’est dans cette situation que le glyphosate est le plus efficace », précise-t-il.
Cette année, il ne peut continuer ainsi que dans ses parcelles en forte pente ou caillouteuses, en utilisant la possibilité de dérogation prévue pour ces deux situations. Ailleurs, il va associer 450 g/ha de glyphosate à d’autres matières actives comme la propyzamide (Kerb flo) et intervenir plus tôt. « La propyzamide a un spectre assez large. Mais elle est délicate à positionner, car elle a besoin d’humidité et de froid pour être active. Et comme je l’associerai au glyphosate, je devrai veiller à ne pas passer sur des adventices mouillées pour préserver son efficacité. »
Pour le désherbage des vivaces, il ne sait pas encore comment il va s’y prendre. « En mai 2021, j’ai fait un essai avec du carfentrazone-éthyl (Spotlight) associé à du flazasulfuron, avec une bonne efficacité sur liseron et épilobe. Mais il faut intervenir avant la floraison de la vigne », note-t-il. Pour le traitement localisé des vivaces en juillet, il estime que le glyphosate reste indispensable. « Même n’y a pas de dérogation pour de telles situations, j’envisage de l’utiliser au-delà des 450 g/ha si nécessaire, faute d’alternative. Je ne veux pas laisser de liserons ou d’orties se développer alors que ces plantes abritent l’insecte vecteur du bois noir. »