our les vins de Champagne, l’entrée dans l’année 2022 rime avec la fin du moratoire négocié par la France auprès de la Russie et la mise en application de la loi empêchant le Champagne d’utiliser son propre nom en écriture cyrillique. Depuis le 1er janvier, cette dénomination ‘Champanskoïe’, transcrite jusque-là sur les contre-étiquettes des bouteilles importées en Russie, n’est plus utilisable que par les vins effervescents produits dans ce pays. Si la situation agace les producteurs et distributeurs de Champagne, ceux-ci ne veulent pour autant pas aller au conflit sur ce marché historique. « Les vignerons et maisons de Champagne exportateurs vers la Russie ont donc mis leur étiquetage en conformité avec la loi russe », commente sobrement David Chatillon, le directeur de l’Union des Maisons de Champagne.
Mais c’est bien la protection de leur appellation qui est en jeu, aussi les opérateurs champenois se mobilisent, tout en relativisant d'éventuels effets commerciaux de cette nouvelle donne. « Il ne devrait pas y avoir de confusion de la part des consommateurs habituels de champagnes en Russie. Ils sont très avertis et il ne semble pas y avoir d’impact à craindre pour les 1,7 million de bouteilles de Champagne que représente ce marché chaque année. C'est plus dans l'éducation des nouveaux consommateurs que peut poindre une ambiguïté », avance Maxime Toubart, président du syndicat Général des Vignerons de Champagne.
Sans surprise, discrétion et travail de fond sont les valeurs cardinales adoptées par les organisations professionnelles pour faire avancer la cause de l’appellation Champagne en Russie. « Nous ne remettons pas du tout en cause la volonté des Russes d’organiser leur filière, de monter en gamme et de protéger leur vignoble », poursuit Maxime Toubart,« et comme dans beaucoup d’autres pays, nous nous plions volontiers aux règles locales d’inscription de la mention ‘vin effervescent’. Mais ce n’est pas possible qu’eux utilisent la transcription cyrillique de Champagne, alors que ça nous est interdit ».
Rien n’est gagné d’avance, mais « nous poursuivons notre dialogue avec les autorités russes pour obtenir la pleine et entière reconnaissance de l’appellation Champagne en Russie », ajoute David Chatillon. Pour obtenir ce moratoire de deux mois, la diplomatie française avait en effet souligné l’intérêt de la Russie à participer à la protection globale des appellations d’origine, et le combat n’est pas sans rappeler celui déjà mené par les Champenois face "Californian Champagne" aux Etats-Unis. Pour les producteurs et distributeurs champenois, il s’agit à présent d’accéder à une reconnaissance totale de leur appellation en Russie. « Les interprofessions se sont rendues sur place en novembre pour échanger à la fois avec les producteurs d’effervescents de Crimée mais aussi, aux côtés de l’ambassade, avec les organisations étatiques et administratives. Un nouveau déplacement sera effectué d’ici le mois de mars pour poursuivre ce travail de reconnaissance de notre appellation qui s’annonce de longue haleine, mais protéger notre appellation est inscrit dans nos gènes », abonde Maxime Toubart.


Plusieurs atouts pourraient aider les organisations de Champagne dans cette quête, au premier rang desquels figure la présidence française de l’Union Européenne pour les 6 mois à venir, « alors que la pression diplomatique sur la Russie est forte au regard de la situation en Ukraine », espère Maxime Toubart. De la même manière, la présence d’investisseurs russes de premier plan en Champagne constitue un autre levier dans la stratégie de soft power qu’entendent mener les champenois auprès des autorités russes. Mais comme le souligne Maxime Toubart, c’est avant tout « le dialogue et le travail sur le temps long qui nous permettront de faire reconnaître notre appellation en Russie ».
Ce cas de figure russe reste dans tous les cas un dossier essentiel pour les professionnels champenois qui veulent éviter d'ouvrir la porte à des vélléités de non-reconnaissance de leur nom dans d'autres destinations commerciales.